Pour aider les productions audiovisuelles britanniques à améliorer leurs impacts environnementaux, l’outil de calcul carbone Albert a été lancé il y a une dizaine d’années. L’organisation accompagne aujourd’hui les productions internationales pour créer des projets durables par leurs propres moyens.

L’industrie du film et du cinéma britannique sait qu’elle ne peut pas faire l’impasse sur la question environnementale. Albert, un organisme détenu par la BAFTA (l’Académie britannique du cinéma et des arts de la télévision), offre aux productions la possibilité de calculer leur empreinte carbone en amont d’un projet et de réduire leurs émissions de CO2.

À l’origine, l’idée a été développée par la BBC. « À l’époque, c’était quelque chose de très simple, mais comme la BBC est un service public, il était difficile de prendre des décisions et de trouver un usage adéquat à cet outil, explique Roser Canela-Mas, la directrice internationale. En 2011, le projet a été transmis à la BAFTA, qui est une organisation caritative, pour servir l’industrie sans passer par une entreprise lucrative. L’outil peut être désormais utilisé quelle que soit la taille des productions. »

Géré par un consortium, il est financé par ses membres consultatifs tels que la Warner Brother UK, Netflix UK ou encore ITV. En plus de l’outil de base, l’organisme propose aujourd’hui des formations pour améliorer l’impact environnemental des productions et des services.

Certification

Pour définir l’impact environnemental d’un projet à l’aide d’Albert, les productions doivent créer un compte par le biais de l’équipe de l’organisme. « Elles doivent ensuite calculer elles-mêmes les dépenses liées à l’empreinte carbone en amont du tournage, poursuit Roser Canela-Mas. Mais au Royaume-Uni, le bilan carbone est de toute façon un document qui doit être fourni dans un dossier audiovisuel. Après, ces productions doivent remplir un questionnaire Albert sur la façon dont elles vont essayer de réduire leur impact. Ce questionnaire permet aussi de suggérer des pistes, et c’est à partir de ce document qu’elles pourront modifier leur organisation sur le tournage pour réduire leurs émissions de CO2. »

Le plan d’action mis ainsi en place peut être utilisé pour obtenir une certification une fois que le projet est réalisé. La boîte de production doit envoyer les preuves des efforts qui ont été faits : factures prouvant le recours à des voitures électriques, facture de la gestion des déchets et du recyclage, courriels aux équipes pour demander à chacun d’amener une bouteille d’eau réutilisable, recours à des équipes locales…

Qualité jamais remise en cause

Roser Canela-Mas souligne qu’Albert n’est pas un cabinet de conseil. L’idée, c’est plutôt de montrer des pistes pour que les productions s’en inspirent ou trouvent leurs propres solutions. « Les gens du métier n’écouteront pas des consultants venus de l’extérieur, souligne-t-elle. Un directeur de la photographie expérimenté ne laissera pas un expert en LED lui dire quelle lumière utiliser ! Mais il saura quelle alternative trouver pour réduire les émissions de CO2 tout en produisant l’effet d’éclairage souhaité. La qualité de la production ne doit jamais être remise en cause, sinon les efforts environnementaux ne seront pas faits. »

Pour les productions qui ne peuvent pas réduire de façon suffisante leur impact, l’organisme a lancé un système de compensation carbone, appelé Creative offset scheme, en partenariat avec Natural Capital Partners. « Nous n’encourageons pas ce genre d’actions car ce n’est pas notre objectif, mais certaines productions ne peuvent parfois rien faire pour réduire certaines émissions, justifie Roser Canela-Mas. C’est le cas des tournages dans des lieux complètement isolés où il y a besoin d’un générateur électrique. La technologie n’est pas toujours prête et cette compensation permet aux productions de faire quelque chose. Mais cela ne leur permettra pas d’obtenir la certification. »

Énergies renouvelables

À ce jour, Albert compte plus de mille projets certifiés. 1917 de Sam Mendes est le premier gros film à avoir obtenu une certification Albert. « Ils avaient un coordinateur en durabilité pour réduire leur impact carbone, indique la directrice. Ils ont fait attention à ne pas trop faire voyager les équipes et à trouver des lieux de tournage proches les uns des autres. Il y a eu aussi beaucoup de recyclage sur le tournage. Les corps utilisés pour les morts ont été récupérés d’autres productions. »

Autre exemple, la série 3 de Top Boy, aussi certifiée, a recruté 74 % de ses professionnels en Jamaïque au lieu de faire voyager ses équipes. « L’autre aspect positif de la certification, c’est que lorsqu’une production tente quelque chose, comme le recrutement local dans cet exemple, cela peut inspirer d’autres productions en les rassurant. Après cette série, nous avons observé d’autres tournages se réaliser en Jamaïque avec des équipes locales. » L’émission télévisée britannique 8 Out Of 10 Cats a quant à elle réussi à diminuer son impact carbone de 87 % en changeant simplement de lieu de tournage et en utilisant un studio qui recourt aux énergies renouvelables.

Les services d’Albert sont accessibles à l’échelle internationale depuis quatre ans et sont en train d’être traduits en français. Dans l’Hexagone, la question écologique fait aussi son chemin dans le secteur des arts. Des organismes émergent dans le but d’accompagner les professionnels à l’instar de The Green Room, pour l’industrie musicale, ou encore du bureau d’études Terra 21, dans le domaine plus large de la culture.

Chloé GOUDENHOOFT

Correspondante Grande-Bretagne

 



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