Unique en France, Bac FM fête cette année ses 32 ans. Un anniversaire exceptionnel pour cette radio associative et lycéenne de Nevers sans équivalent dans tout l’Hexagone.

Bac FM joue un rôle essentiel sur les plans éducatif et culturel. Ouverte aux élèves des lycées de Nevers et du département souhaitant animer des émissions, cette structure associative unique a su s’adapter aux changements en matière de communication et d’information, tout en créant un lien pérenne avec les auditeurs et entre les différents acteurs du territoire.

Unique en France et créée à la fin des années quatre-vingts, Bac FM est une radio associative et lycéenne qui a vu le jour sous l’impulsion de Pierre Bérégovoy à Nevers, dans un but principalement éducatif. À disposition des lycéens depuis plus de trente ans, elle leur permet de s’approprier l’outil radiophonique en apprenant à décrypter l’information, en animant des émissions et en développant un esprit critique sur l’actualité et différents sujets de société.

Média pédagogique et relai incontournable de la vie culturelle nivernaise, comment cette structure a-t-elle pu évoluer tout en cultivant la différence ? Rencontre avec Catherine Tripier qui a porté l’association en tant que directrice d’antenne depuis sa création.

Un projet innovant

Bac FM est une radio associative en milieu scolaire (REMS) née en 1989, d’un projet commun entre l’enseignant André Fourcade, le proviseur du lycée Raoul-Follereau de l’époque, Jacques Montagnon et Pierre Bérégovoy, maire de Nevers de 1983 à 1993.

S’il existe d’autres web radios lycéennes en France, sur le réseau hertzien en revanche, elle est unique. Comme l’explique Nathalie Barbery, coordinatrice au CLEMI à Dijon : « Le fait qu’elle soit hertzienne en fait une exception, car l’hertzien est en voie de disparition et parce que d’autres radios lycéennes existent en étant partenaires d’établissements scolaires, mais sans en faire partie. Dans la région, la radio Prévert au collège Jacques-Prévert de Chalon-sur-Saône est similaire à Bac FM. »

Bac FM fête ses trente-deux ans cette année. « Le projet a débuté en 1987, après la fin des radios libres, se souvient Catherine Tripier. Tout s’est fait par étapes. Au départ, c’était compliqué, les élèves venaient faire des émissions qui étaient enregistrées sur des cassettes et que j’emmenais ensuite à Radio Nevers, pour qu’elles soient diffusées. On avait un contrat de deux heures d’émission par jour avec eux. »

C’est en partie grâce au CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) que le projet perdure : « Ça fonctionnait bien, on avait des décrochages le mercredi après-midi, mais nous n’avions pas encore notre fréquence. Comme on était protégé par le CSA du fait du caractère innovant de la radio, ils m’ont proposé une fréquence provisoire, car ça s’est mal fini avec Radio Nevers, le jour où on a fait venir l’équipe de Charlie Hebdo. Ils n’ont pas trop apprécié l’humour ; le lendemain, je recevais une lettre recommandée avec accusé réception qui dénonçait le contrat. »

Après une période de diffusion sur une fréquence provisoire, renouvelable trois fois et accordée par le CSA, Catherine Tripier obtient une fréquence définitive : « C’est le deal, il faut qu’une fréquence se libère pour pouvoir l’occuper. »

Une radio pédagogique

Composée de trois salariées – outre Catherine Tripier, la technicienne Laëtitia Durieu et l’animatrice Apolline Magnet –, Bac FM est une radio habilitée à faire de l’éducation au média sous l’égide du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI). Comme le souligne la directrice, ce sont les élèves qui s’approprient la programmation. « Ils choisissent les sujets des émissions avec l’aide des enseignants, confirme-t-elle. Dans la mesure où nous sommes une radio culturelle et citoyenne, il y a quand même un fil conducteur, mais les élèves sont libres de proposer ce qu’ils ont envie de faire. »

Clément Denuit, professeur de philosophie au lycée Raoul-Follereau et coordinateur à la radio, encadre le travail préparatoire des émissions avec les élèves ; il remarque que le fait d’animer celles-ci les sensibilise davantage aux sujets de société, ainsi qu’à la vie culturelle. « C’est aussi l’occasion pour eux d’acquérir plus de confiance en soi et d’aisance à l’oral », relève-t-il.

Si la directrice regrette qu’il n’y ait plus d’émissions musicales proposées par les élèves, lors desquelles ces derniers font découvrir les musiques de leur choix, les thèmes des émissions demeurent néanmoins très variés – musique, livres, théâtre, sport, santé. « Nous avons une nouvelle émission humoristique sur l’histoire qui est très bien faite, proposée par deux élèves de terminale du lycée Jules-Renard, qui sont par ailleurs issus du conservatoire dramatique, s’enthousiasme-t-elle. Il y a aussi Théo qui propose une émission sur les jeux vidéo. »

Un pont entre l’éducation et la culture

Diffusée sur le réseau hertzien, la radio trouve cependant sa plus forte audience sur internet, en particulier les actifs qui écoutent les émissions podcastées.

En plus d’une mission éducative, Bac FM possède un rôle majeur sur le plan culturel. « En tant que radio de proximité, on est un noyau dur et solidaire, relève Catherine Tripier. Je relaie toutes les actualités culturelles, même si en ce moment c’est compliqué. On est en lien avec tous les acteurs locaux et les collectivités locales et territoriales. On reçoit des associations, mais on couvre aussi certains événements. »

Catherine Tripier remarque qu’avec l’usage massif des sites d’écoute sur internet, la radio est tombée en désuétude. « Ce n’est pas le média que les jeunes écoutent et la musique que nous diffusons n’est pas celle que les lycéens écoutent le plus, mais on cultive la différence par notre style pop rock et métal, en diffusant des choses que l’on n’entend pas ailleurs. On se doit aussi d’avoir un pourcentage de chanson française et nous faisons découvrir de nombreux jeunes talents. En effet, sont considérés comme jeunes talents par la SACEM les artistes qui n’ont pas pressé de disque pendant un an. »

En tant que partenaire de la future SMAC le Café Charbon – qui pourrait rouvrir ses portes après d’importants travaux d’ici la fin de l’année prochaine –, la radio demeure très ancrée sur le territoire, et capte de fait les intérêts des auditeurs. « Dans la mesure où nous sommes partenaires de tout ce qui se fait au niveau musical sur le territoire, et en particulier du Café Charbon, qui travaille par exemple avec l’Association musiques traditionnelles du conservatoire de Nevers, (AMTCN), nous gardons un lien important avec les auditeurs. »

Une dynamique de projets…

Le CLEMI est l’organe qui gère les médias en milieu scolaire depuis un peu plus de trente ans. « Il peut porter des projets financés par la DRAC et éventuellement rémunérer des enseignants mais il ne finance pas la radio. »

Le premier financeur de la radio est donc l’État, via le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) du ministère de la Culture, suivi de la DRAC Bourgogne-Franche-Comté. Viennent ensuite les fonds de politique de la ville obtenus sur dépôt de projet – dans le cadre d’un projet porté par la préfecture, auquel sont associés la communauté de communes Nièvre et Somme, le conseil régional et l’agglomération de Nevers, à destination des quartiers défavorisés QPV –, qui « implique un cahier des charges très pointu par rapport à la politique de la ville », précise-t-elle.

Parmi les autres subventions étatiques, on compte la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA).

« Nous fonctionnons dans une logique de projet« , insiste Catherine Tripier, qui précise par ailleurs que Bac FM n’est aucunement financée par la publicité. La région BFC, le conseil départemental, l’Agence régionale de santé (ARS), la ville de Nevers, son agglomération et la ville de Fourchambault participent également à son financement, pour un budget total d’environ 150 000 euros.

appelée à évoluer

À l’avenir, Catherine Tripier souhaiterait qu’un atelier radio puisse voir le jour. En effet, si les élèves participent activement à l’animation des émissions, ils ne se forment pas à la technique. « On pourrait faire un atelier d’initiation et de montage, confirme la directrice. Les élèves feraient leurs émissions de A à Z, comme à Sciences Po Paris par exemple, mais il faudrait pour cela pouvoir embaucher une personne supplémentaire. »

Des travaux d’aménagement des studios étant prévus prochainement, Catherine Tripier aimerait en profiter pour élargir le cercle de ses partenaires. « Mon grand projet avant de passer la main serait d’obtenir des fonds européens. » La radio dépendrait alors du Pays Nivernais-Morvan, une structure regroupant des collectivités locales, régie par la loi Voynet et qui centralise les projets financés par l’État et la région – cela permettrait par conséquent de toucher des fonds relevant de la règle de minimis.

Morgane MACÉ

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En savoir plus : Bac FM

 



Crédits photographiques : Bac FM – Association Le Refuge