Immense compositeur pour le cinéma, Bernard Herrmann est mort il y a 46 ans, laissant une œuvre foisonnante, entrée dans la postérité : Citizen Kane d’Orson Welles, Psychose, Vertigo et Les Oiseaux d’Hitchcock, la fameuse série de la Quatrième dimension, L’Aventure de Mme Muir de Mankiewicz, Fahrenheit 452 de Truffaut ou encore Taxi driver de Martin Scorsese. Hommage.

C’est sans doute parce que j’ai grandi dans une famille pour qui la musique classique était totalement étrangère, et que j’ai donc écouté beaucoup de variétés et aussi beaucoup de musiques de films, que j’ai fait mien l’adage de Dizzie Gillespie selon lequel il n’y a pas de grande ou de petite musique, mais bien la bonne et la mauvaise.

Pour moi, les compositeurs de « bandes originales », considérant en particulier l’importance que peut revêtir la musique dans un film, quelle que soit sa forme, n’ont pas moins de mérite que des compositeurs « conventionnels ». Il ne s’agit pas de comparer, exercice qui pourrait certes être objectif, mais d’une froideur de bloc opératoire s’il est fait par un musicien ou un musicologue ; et qui ne peut donc être que subjectif lorsqu’il est fait par un quidam comme moi (et donc de nature à provoquer des débats lors des repas de famille, qui vous reposeront de ceux sur les mérites comparés des vaccins et de la tisane de camomille). Il s’agit donc d’en rester à ce que la musique nous dit ou pas, et au cinéma, elle a souvent beaucoup à nous dire.

Pourquoi cette longue introduction ? Parce qu’aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler d’un anniversaire un peu différent des autres, avec celui qui marque les quarante-six ans de la mort de Bernard Herrmann. Quand on parle de ce compositeur, né en 1911 de parents russes immigrés aux États-Unis, on pense instantanément à Hitchcock, avec qui Herrmann va travailler pendant plus de dix ans, pour sept des principaux films du maître du suspense (que serait Psychose sans ses violons stridents lors de la scène de l’assassinat dans la douche, qu’Alfred Hitchcock voulait pourtant silencieuse ? Ou Vertigo sans sa musique d’inspiration romantique ? Et celle des énigmatiques Oiseaux ?…).

Herrmann, venu très tôt à la musique, est très fortement influencé durant son apprentissage par les compositeurs français (Berlioz surtout, mais aussi Ravel et Debussy) et les grands romantiques. Il aime aussi les compositeurs atypiques comme Elgar ou Satie. Il deviendra l’ami de nombreux compositeurs américains de sa génération (Copland en particulier) et défendra même, avant tout le monde, Charles Ives, autre atypique inclassable. C’est aussi un personnage assez détestable sur le plan personnel, mais personne n’est parfait…

Herrmann, qui admire pourtant aussi les grands compositeurs romantiques, n’a pas toujours choisi ce versant pour la musique de film, utilisant assez rarement de grands orchestres à l’instar d’autres grands compositeurs de l’époque comme Korngold ou Tiomkin. En revanche, il sait saisir l’instant, capter le thème qui restera en vous comme une association inaltérable du film avec sa musique. Voyez la fameuse série de la Quatrième dimension (c’est lui aussi). Le fameux thème du générique a traversé les générations aussi sûrement que les accords stridents de Psychose.

Son dernier opus, c’est Taxi Driver de Martin Scorsese, film qui sort en 1976. Herrmann est mort le soir même du dernier jour de l’enregistrement, la veille de Noël 1975. Dans cette musique, il s’intéresse davantage au jazz, sur un mode symphonique dans le thème principal. Mais Herrmann reste surtout l’homme des musiques dissonantes et expressives, mécaniquement et surtout rythmiquement associées aux scènes et qui caractérisent tant les films d’Hitchkock. De nombreux compositeurs de musiques de film revendiquent encore aujourd’hui l’héritage d’Herrmann, à commencer par John Williams ou Danny Elfman.

Herrmann, lui, comme d’autres compositeurs de musiques considérées (à tort, je vous renvoie au début de cet article) comme secondaires, souffre toujours de ne pas être reconnu comme un compositeur « sérieux », ce qui noircit un caractère déjà bien compliqué. Il est pourtant l’auteur d’un opéra, d’une symphonie et de plusieurs pièces pour musique de chambre. C’est quand même dans Taxi Driver, sa dernière œuvre pour le cinéma et dernière partition tout court, que j’ai choisi de vous le faire (ré)entendre.

Cédric MANUEL



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