Indispensables dans la grande famille du cinéma, les attachés de presse du cinéma souffrent d’un manque de reconnaissance que la crise actuelle amplifie dramatiquement. Ils viennent de se regrouper en association – le CLAP cinéma – pour porter enfin une parole commune.

Les attachés de presse représentent, en comptant les assistants, une soixantaine de personnes, dont les deux-tiers ont une activité régulière. « Comme nous sommes très peu, nous n’intéressons pas grand-monde », regrette Chloé Lorenzi, attachée de presse et cofondatrice du Cercle libre des attachés de presse du cinéma – CLAP cinéma.

Si le besoin de reconnaissance ne date évidemment pas d’hier, le confinement et la mise à l’arrêt du septième art ont joué le rôle de déclencheurs. « Avec la fermeture des salles et l’annulation des festivals, c’est la quasi-totalité de nos activités qui est mise à l’arrêt, déclare Viviana Andriani, également attachée de presse et cofondatrice du CLAP cinéma. Cela nous a fait prendre conscience que nous sommes fragiles, que notre métier, bien que connu, n’est pas suffisamment reconnu par l’institution. »

« Nous ne sommes pas des secrétaires ! »

Créé il y a un mois à peine, le CLAP cinéma fait l’unanimité au sein de la profession, et même bien au-delà. « Nous avons reçu des messages de soutien et de félicitation de nombreux distributeurs, confirme Viviana Andriani. Ils approuvent notre volonté de participer à l’effort collectif. »

Depuis l’irruption de la crise sanitaire, les attachés de presse sont – comme tout le secteur du cinéma – dans une complète nébuleuse, sans aucune visibilité sur la réouverture des salles ou encore la reprise des tournages, c’est-à-dire sur leur avenir. Sauf que, là où règnent la concertation et la réflexion commune, ils sont complètement absents.

« Il y a beaucoup de tables rondes et de réflexions qui sont menées autour de la sortie des films, sans jamais que les attachés de presse soient représentés, explique Chloé Lorenzi. Il y a des distributeurs, des exploitants, des journalistes… Les attachés de presse n’existent pas dans le débat public. Nous ne sommes pas des secrétaires ! Nous réfléchissons, nous aussi, sur nos métiers, nos stratégies. Ce qui nous importe, quand on sort un film, c’est d’avoir la meilleure presse afin de donner envie aux gens de voir le film. Nous ne nous contentons pas de pointer les journalistes qui viennent aux projections presse. »

Une profession en manque d’unité

La difficulté des attachés de presse cinéma est qu’ils exercent un même métier mais sous des statuts juridiques différents : salariés (minoritaires dans la profession), micro-entrepreneurs et travailleurs indépendants se côtoient, obéissant à des logiques divergentes, empêchant ainsi une véritable unité économique et juridique.

« Nous n’avons même pas de convention collective spécifique, surenchérit Viviana Andriani, mais faisons partie de conventions plus larges, liées à la publicité et aux activités promotionnelles, très éloignées de notre métier. » Or celui-ci est très différent de ce qui se fait par ailleurs, y compris au sein du secteur artistique.

Ces différences structurelles empêchant toute possibilité d’unité, les attachés de presse du cinéma ne peuvent recevoir d’aide spécifique, autre que celle octroyée du seul fait de leur statut juridique. C’est d’autant plus regrettable que le mois de mai est capital dans la profession, avec le festival de Cannes. Son annulation est synonyme d’une perte sèche et durable, qui s’étend bien au-delà de la seule période actuelle.

Une logique de survie immédiate

Les premières revendications du CLAP cinéma sont évidemment relatives à la survie des attachés de presse. L’association souhaite tout d’abord participer à la négociation menée par le CNC sur la question des éventuelles aides que l’institution pourrait accorder à l’ensemble du cinéma, afin de pouvoir y prétendre au même titre que ses partenaires.

« Le CNC valide des budgets dans lesquels sont inscrits nos postes et qui font l’objet d’aides spécifiques, indique Viviana Andriani. Étant donné qu’il existe cette ligne budgétaire, il pourrait y avoir un soutien spécifique du CNC aux attachés de presse de cinéma. C’est même prioritaire ! »

Comme les artistes-auteurs et bien d’autres professions artistiques, les attachés de presse aimeraient bénéficier d’une annulation des charges, et non d’un simple report. « Si cela se fait dans d’autres secteurs d’activités, on devrait pouvoir bénéficier de ce genre de mesures, souligne Chloé Lorenzi. Il faut bien garder à l’esprit que nous ne travaillons pas parce que les cinémas et les festivals sont soit fermés, soit annulés. »

Un esprit de concertation à terme

Ces demandes, pour urgentes qu’elles soient, s’intègrent néanmoins dans une vision plus large d’échange, de compréhension mutuelle et de réflexion commune. « Nous voulons être reconnus par les institutions, à commencer par le CNC, en tant que profession à part entière, pourquoi pas en intégrant certaines commissions, avance Viviana Andriani. Nous avons ainsi écrit au CNC pour réfléchir avec eux sur la manière de reconnaître durablement notre métier. »

Au-delà du seul CNC, c’est toute la chaîne du cinéma qui est visée selon Chloé Lorenzi, y compris l’Association pour la promotion du cinéma (APC) qui gère l’Académie des César. « Nous voulons être entendus au sein de tout ce qui constitue l’industrie du cinéma, dont nous sommes vraiment des acteurs à part entière. »

Au cœur de l’action envisagée par le CLAP cinéma se trouve l’élaboration d’une charte officielle, tel un code de bonnes pratiques avec effet contraignant. « Nous souhaitons la construire avec le CNC et les distributeurs, de sorte que les aides spécifiques aux attachés de presse soient conditionnées au respect de cette charte, résume Viviana Andriani. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’impératif de contrat et de paiement. Nous travaillons pour des distributeurs avec lesquels nous avons un rapport de confiance fort. »

Cette charte aurait ainsi pour vocation de rassembler les attachés de presse par des pratiques commerciales communes, de la négociation à la rémunération en passant par le contrat. C’est d’autant plus important qu’ils sont payés de plus en plus tardivement, ce qui entraîne parfois des problèmes de trésorerie. « Nous réfléchissons à construire des échéanciers communs à tous les attachés de presse, explique Viviana Andriani. Il s’agit de mettre en place un système, avec les distributeurs, qui respecte chacun. »

Le CLAP cinéma souhaite enfin « participer de manière plus active aux discussions qui ont lieu avec les autres syndicats, pour nous enrichir et pour les enrichir, conclut Chloé Lorenzi. Il y a effectivement beaucoup de sujets majeurs autres que la crise que nous traversons. Je pense par exemple aux transformations profondes de la presse, qui exigent une réflexion importante avec les journalistes. »

Pierre GELIN-MONASTIER

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 Photographie de Une : Viviana Andriani, attachée de presse et cofondatrice du CLAP cinéma