La capitale des Ducs de Bourgogne a la folie des grandeurs : unique au monde, sa Cité internationale de la gastronomie et du vin forme un quartier entier, avec village gastronomique, cinéma neuf salles, centre d’interprétation, parcours d’expositions, hôtel… « La culture, c’est une appartenance, une identité ouverte », résume François Hollande pour Profession Audio|Visuel.
Début mai s’est déroulée la semaine inaugurale de la Cité internationale de la gastronomie et du vin (CIGV) à Dijon ; celle-ci s’intègre sur le site d’un ancien hôpital général restauré. Dans un quartier de 70 000 m2, imaginée comme lieu de destination et lieu de vie, cette cité dans la cité s’apprête à accueillir un million de visiteurs par an. Unique en son genre, elle incarne une double labellisation UNESCO : le « repas gastronomique des Français » et les climats du vignoble de Bourgogne.
Avec ses espaces de dégustations, ses expériences gastronomiques, sensorielles et muséographiques, la CIGV est indissociable de sa dimension culturelle, à l’instar d’une Cité des sciences. 250 millions d’euros ont été investis pour réunir sur place un lieu de formation, l’école Ferrandi, un village gastronomique de 5 000 m2, un parcours d’expositions sur 1750 m2, un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine, un cinéma Pathé-Gaumont et un futur hôtel 4 étoiles.
Comment cet aménagement urbain construit en dix ans permet-il à l’identité culturelle régionale de rayonner tout en étant ouvert au monde ? S’il rend hommage à la culture gourmande, une diversité de propositions artistiques lui sera-t-elle associée ?
« Une identité ouverte »
« Ce n’est pas une cité des vins, déclare le maire de Dijon, François Rebsamen, lors d’une rencontre avec la presse, le 4 mai dernier. C’est un lieu où histoire culinaire et culture sont mises en valeur. On ouvre la ville au monde ; nous avons ici 48 pays membres de l’Organisation internationale du vin, un label “Ville et pays d’art et d’histoire” et le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine, le 1204. »
Lors du geste inaugural du maire, François Hollande est revenu sur l’histoire de ce projet engagé durant son mandat présidentiel, exprimant pour Profession Audio|Visuel sa vision de la culture. « Il fallait absolument que les grands groupes privés soient là et, surtout, il faut que les frontières soient ouvertes si on veut qu’il y ait des touristes, car on en a perdu beaucoup avec la crise sanitaire, nous confie-t-il. Il faut les convaincre que la culture est aussi un moyen d’affirmer une position politique avec des valeurs et pas simplement de consommer. La culture, c’est une appartenance, une identité ouverte, on offre et on ne se ferme pas. »
Offrir, comme en témoigne la gratuité de l’entrée au 1204, quand les autres expositions sont payantes, en sachant que le coût d’une exposition lorsqu’elle se construit varie entre 500 000 et 800 000 euros. Un coût qui se justifie par la beauté des lieux, la diversité et la qualité des expériences proposées, même si l’égalité d’accès n’y est pas entière.
En effet, la place du nouveau cinéma Pathé-Gaumont est par exemple de 14,50 €, presque le double d’une place à l’Olympia, autre cinéma du cœur de ville… Mais pour sa directrice Valérie Sutter, les équipements ne sont pas les mêmes non plus. Elle répond par ailleurs que leur offre tarifaire est plus large : « On a certes ce tarif plein, mais finalement très peu de personnes payent ce prix-là, car il y a les cartes cinq places à 44 €, insiste-t-elle. La place revient dans ce cas à 8,80 €. Quant à notre carte CinéPass, qui permet un accès illimité, elle est à 19,90 € par mois. »
Inauguration du 1204
Quinze millions de fonds publics ont été investis dans le pôle culturel de la CIGV, qui comprend également le 1204, un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP). Baptisé de la date du premier hôpital médiéval d’orphelins et de pestiférés de Dijon, il revisite 880 ans d’histoire hospitalière. La région Bourgogne-Franche-Comté (BFC) et l’État en sont parties prenantes.
« L’État a été présent financièrement, à la fois par des crédits de la préfecture de région et du ministère de la Culture pour la conservation du patrimoine et pour la mise en place du CIAP, nous précise Aymée Rogé, directrice des affaires culturelles pour la région BFC. C’est un lieu qui prend sens dans le cadre d’une politique plus générale en faveur de la valorisation de l’architecture et du patrimoine. Ce label vient reconnaître l’engagement d’une collectivité en ce sens, il fera l’objet d’une valorisation auprès du grand public et des habitants comme des visiteurs de passage. »
Qu’espèrent-ils de ce lieu ? Au micro de Profession Audio|Visuel, la DRAC de Bougogne-Franche-Comté n’hésite pas. « On en attend que ce soit un moment de découverte. Ce n’est pas un musée au sens où il n’y a pas de collections, mais c’est un lieu qui fait la part belle aux expériences : il y a une matériauthèque, des objets qu’on peut manipuler et une approche très sensible de l’histoire. »
Des visites comme “les musées aux clowns” sont d’ores et déjà prévues, proposées par la compagnie Née au vent ; différents projets d’éducation artistique et culturelle seront par ailleurs menés. Un festival associant jazz et animations autour du vin, sur trois jours, aura également lieu en août. « C’est un lieu de destination et un lieu de vie, annonce la directrice du pôle culturel de la CIGV, Dominique Buccellato. Il y aura aussi un événement important de Dijon, avec des groupes internationaux de folklore de musique, qui va se déporter ici. »
Un cinéma Pathé-Gaumont
Dessiné par l’architecte Pierre Chican, le cinéma de neuf salles propose des séances 4DX, en 3D et laser, et complète ainsi l’offre culturelle de la CIGV. L’accent est mis sur le confort ; les visiteurs peuvent, comme à l’opéra, choisir leur siège en réservant leur séance sur l’internet. Son implantation en centre-ville a été qualifiée de « rarissime » par Jérôme Seydoux, producteur et co-président du Groupe Pathé-Gaumont.
Versions françaises et originales sous-titrées y seront programmées, ainsi que des avant-premières. La programmation des films se décide au siège de Pathé-Gaumont. « On va essayer de proposer une programmation la plus diversifiée possible, avec des blockbusters, des films français, un peu d’art et essai et des programmes particuliers comme les séances “Il était une fois” », annonce Valérie Sutter.
En promotion du film Les Trois mousquetaires, qui sortira en 2023, Jérôme Seydoux répond aux inquiétudes qui planent sur son amortissement financier. « Quand on a fermé pour travaux le cinéma Pathé Wepler, place de Clichy, les restaurants ont perdu 50 % de leur clientèle. À Nice, quand on a ouvert un nouveau cinéma au centre de la ville, il précédait l’ouverture des restaurants : celle-ci a par la suite provoqué une augmentation de 40 % de la fréquentation des cinémas. Dans le cas présent, on ouvre tout ensemble ! Ça ne peut donc qu’être un succès immédiat… »
Du fait de sa dimension à la fois touristique et culturelle, rendre ce complexe composite à la fois attractif et le plus accessible possible relève donc du défi pour ses acteurs. Nul doute que les propositions artistiques sauront trouver leur place dans cette enceinte néanmoins ouverte à la déambulation libre, au patrimoine revivifié et que les habitants peuvent s’approprier.
Correspondante Bourgogne-Franche-Comté
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En savoir plus : Cité internationale de la gastronomie et du vin
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Crédits photographiques : Francois Weckerle