Le groupe documentaire de la Société des réalisateurs de films (SRF) déplore, dans une tribune publiée dans Libération aujourd’hui, la disparition à la télévision du documentaire au profit des reportages, le formatage des contenus et la perte du regard singulier apporté par d’authentiques auteurs-réalisateurs.
Le genre documentaire, il faut bien le reconnaître, est l’un des parents pauvres de la télévision, en dépit de quelques programmes encore survivants. « En dehors de quelques cinéastes reconnus et de rares niches télévisuelles de résistance, notre désir de création n’est plus respecté, dénonce les documentaristes de la SRF dans la tribune publiée par Libération. Nous n’avons plus la latitude d’expérimenter ni de travailler sur un temps long comme l’exigent les repérages, le tournage et le montage de nos films, alors qu’un film s’écrit à chacune de ces étapes. Nous n’avons plus la possibilité de réaliser des œuvres libres et singulières. Nous n’arrivons plus à exercer correctement notre métier. »
Cette tribune initiée par le groupe documentaire de la Société des réalisateurs de films (SRF) est signée par près de cinq cents professionnels du cinéma parmi lesquels Julie Bertuccelli, Simone Bitton, Lucie Borleteau, Jean-Stéphane Bron, Dominique Cabrera, Jean-Louis Comolli, Catherine Corsini, les frères Dardenne, François Farellacci, Emmanuel Gras, Patricio Guzmán, Wiliam Karel, Sébastien Lifshitz, Gérard Mordillat, Valérie Osouf, Rithy Panh, Nicolas Philibert, Jérôme Prieur, Abderrahmane Sissako, Claire Simon, Eyal Sivan, Yolande Zauberman…
La singularité du regard, de la subjectivité, qui ne réduit pas ce qui est filmé au simple « sujet » – au sens journalistique, et non métaphysique, du terme –, est plus que nécessaire aujourd’hui, selon les réalisateurs signataires. « À l’heure où le débat public est polarisé, où la joute verbale et le buzz l’emportent sur l’analyse, nous pensons que le cinéma documentaire a toute sa place à la télévision. » Ils justifient leur propos par l’engouement indéniable que suscite le documentaire sur les plates-formes – reste néanmoins à savoir si un attrait sur tel média est automatiquement reproductible sur un autre.
Les signataires demandent « la réactivation d’un label » propre au film documentaire de création, comme celui mis en place en 1987, « permettant de le distinguer de l’enquête, du magazine et du reportage, assorti d’engagements de préachats, de coproductions, d’achats et de diffusion sur les chaînes de télévision publiques ». Et de conclure par la traditionnelle demande de rendez-vous, auprès des chaînes de télévision publique et des instances professionnelles, telles que le CSA et le CNC.