Accusé par l’artiste de rue Combo d’utiliser une de ses œuvres sans autorisation, Jean-Luc Mélenchon a obtenu gain de cause en première instance : une œuvre de rue, du fait de sa réalisation (sans autorisation) sur la voie publique, est naturellement mise à la portée de tous, relevant donc notamment de la liberté de panorama.

Dans un clip vidéo diffusé depuis plusieurs années, La France insoumise a reproduit La Marianne asiatique, une œuvre de Combo, un artiste de rue, réalisée en février 2017 rue du Temple à Paris. Cette fresque murale représente une jeune femme au sein droit dénudé, portant sur l’épaule gauche le drapeau tricolore, avec la légende : « Nous voulons la justice ». La vidéo a été diffusée sur internet – sites, YouTube, Facebook, etc. – tant par le parti politique que par Jean-Luc Mélenchon.

Des droits moraux de l’auteur

Problème : Combo n’a jamais donné son accord pour une telle utilisation. L’artiste de trente-quatre ans a eu connaissance de la reprise de son œuvre lors des municipales de 2020 et a donc décidé d’attaquer en justice La France insoumise et son président pour contrefaçon de droits d’auteur, réclament 100 000 euros pour le préjudice subi. « Depuis que Jean-Luc Mélenchon utilise mon travail sans me l’avoir demandé, j’ai contacté son équipe via mon avocat pour leur demander de retirer ma fresque de leurs clips, en vain », avait affirmé en juin dernier Combo à l’AFP.

En janvier dernier, le tribunal judiciaire de Paris* a commencé par reconnaître non seulement la paternité de Combo sur l’œuvre, mais également l’originalité de cette dernière, lui permettant ainsi de bénéficier de la protection du droit d’auteur.

Si le tribunal a logiquement désigné Jean-Luc Mélenchon comme responsable des publications qui sont faites sur ses comptes, quand bien même il délègue ce travail à d’autres, il l’a néanmoins dédouané de toute atteinte au droit d’auteurs dans le cas présent. Il considère en effet que la reproduction de La Marianne asiatique dans ce clip vidéo ne porte aucunement atteinte aux droits moraux de l’auteur.

Statut particulier de l’œuvre de rue

Qu’est-ce qui motive cette décision ? Tout d’abord, la nature même de l’œuvre de rue : réalisée sans autorisation sur la voie publique, une telle œuvre est naturellement mise à la portée de tous, pouvant dès lors subir des dégâts ou être récupérée à d’autres fins. Ainsi de La Marianne asiatique dont le nom de l’auteur avait été effacé et remplacé par « styx » avant même le tournage de la vidéo. Cette atteinte à la paternité précède toute contrefaçon de droits d’auteur de la part du chef des « insoumis », preuve pour le tribunal du statut si particulier des œuvres de rue.

Autre raison invoquée par le tribunal : si Combo affirme publiquement qu’il ne souhaite « pas être associé à la politique » des Insoumis, il ne prouve à aucun moment que l’association de son œuvre à un parti politique nuit à l’intégrité de celle-ci ; de même, le message d’égalité, de tolérance et d’ouverture que porterait La Marianne asiatique n’est en rien altéré par ladite vidéo. Il n’y a donc, selon le tribunal, aucune dégradation morale de l’œuvre.

Liberté de panorama

Jean-Luc Mélenchon et le parti de La France insoumise sont donc fondés à utiliser l’œuvre de rue au nom de la « liberté de panorama » : « Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire […] sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source […] les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l’exclusion de tout usage à caractère commercial » (Article L. 122-5, 11°, du code de la propriété intellectuelle).

« La France Insoumise peut de son côté bénéficier de l’exception de courte citation, note Légipresse dans un compte rendu du jugement, dès lors que la reproduction de l’œuvre appuie le message véhiculé par la vidéo, qui est celui d’une demande du peuple d’une République plus humaniste. »

À l’issue du jugement, par le biais de son avocat Maître Nicolas Le Pays du Teilleul, Combo a réitéré « solennellement qu’il rejette toute assimilation ou proximité avec le positionnement politique ou plus généralement les idées ou prises de position de Jean-Luc Mélenchon et/ou de La France Insoumise ». Ce jugement, non définitif puisque rendu en première instance, risque donc très probablement d’avoir des suites.

Vanessa LUDIER

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Tribunal judiciaire de Paris (3e ch. – 1re sect.), 21 janvier 2021, n° 20-08482, Monsieur X. dit Combo c/ J.-L. Mélenchon et a.