Zahorí, un film tout droit venu des grandes steppes désertiques de Patagonie, est une œuvre tout en lenteur et en contemplation, entre traditions spirituelles et modernités thématiques. À découvrir en salles.
Il y a comme un courant venu d’Amérique du Sud, qui présente de jeunes héroïnes en proie aux grands paysages désertiques, à l’air brûlant, burinant les visages, qui les confronte à des traditions ancestrales constituant un repère moral, humain et spirituel par-delà les générations : les parents se révèlent ainsi souvent prosaïques, rationnels ou perdus dans des principes et combats idéologiques quand les plus anciens – grands-parents, voisins – incarnent l’esprit d’un monde surnaturel qui peu à peu s’éteint.
Nous avons récemment eu, venant de Curaçao, Buladó d’Eché Janga, qui racontait l’histoire de la petite Kenza, 11 ans, divisée entre enracinement immémorial et modernité rationnelle. Ou encore Secret de famille, de la réalisatrice brésilienne Cristiane Oliveira, qui montrait Joana, 13 ans, en quête d’identité culturelle et sexuelle.
Dans Zahorí, sélectionné lors du dernier festival du film de Locarno (2021), l’adolescente – 12 ou 13 ans, à vue de nez – s’appelle Mora, le vieux et sage gaucho est Mapuche et les parents sont des militants écologistes d’origine italienne qui tentent de vivre en autonomie jusqu’à l’épuisement, la colère et l’incompréhension de leurs enfants.
Dans l’impressionnant décor de la steppe de Patagonie, tous se débattent avec une lenteur hors du temps, tandis qu’un vent de cendres et de lassitude s’abat impitoyablement sur la terre. Comme dans Buladó, il y a un cheval, qui symbolise la tradition et la liberté, et qui donne dans le cas présent son nom à l’œuvre : Zahorí. Il appartient au vieux Mapuche, avant que Mora ne se l’approprie après des péripéties que nous tairons, affirmant par-là sa propre émancipation, pour finir par le chevaucher dans un soleil couchant qui nous ferait presque fredonner : « I’m a poor lonesome cowgirl. »
Privilégiant le format scope, panoramique, soutenue par la remarquable mise en lumière des steppes par le directeur de la photographie, Joakim Chardonnens, la réalisatrice Marí Alessandrini met en scène ses personnages dans des espaces qui les enveloppent, les subliment parfois, les écrasent souvent, dont ils ne peuvent jamais s’évader, constituant un horizon indéfini, inexhaustible.
S’il manque un propos d’une profondeur originale, qui distinguerait singulièrement l’œuvre d’autres déjà parues, Zahorí brille néanmoins par sa simplicité, sa narration lente et paisible, qui imprime sur la pellicule les variations imperceptibles d’une terre à la fois immuable en sa sève et fébrile devant les manifestations contemporaines.
On peut quelque fois s’ennuyer ; on peut aussi entrer en contemplation devant l’orgueilleux relief d’un territoire anachorétique, face aux beaux visages qui nous sont régulièrement offerts en un cadrage intime : celui de Nazareno, le vieux Mapuche joué par Santos Curapil, celui surtout de la jeune héroïne à qui Lara Tortosa prête admirablement ses traits, d’une beauté ambiguë.
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Marí Alessandrini, Zahorí, Suisse – France – Argentine – Chili, 2021, 1h45
Sortie : 6 juillet 2022
Genre : drame
Classification : tous publics
Avec Lara Tortosa, Santos Curapil
Scénario : Marí Alessandrini
Photographie : Joakim Chardonnens
Montage : Marí Alessandrini
Production : Le Laboratoire Central (Suisse), Norte Productions (France), El Calefón (Argentine), Cinestacion (Chili)
Produit par : Juan Maristany, Dominga Sotomayor, Valentina Novati, Omar Zúñiga Hidalgo, Linda Diaz, Nadejda Magnenat
Distribution : Norte Distribution
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