La collection Lambert consacre jusqu’au 20 septembre prochain une nouvelle exposition à la photographe américaine Nan Goldin : une centaine d’œuvres, soit la quasi-totalité des fonds possédés par le galeriste Yvon Lambert, seront présentées dans l’hôtel de Caumont à Avignon. Un ouvrage édité par Actes Sud relate la relation unique entre l’artiste et le collectionneur.
L’œuvre de Nan Goldin semble tout entière faire irruption dans la nuit, auréolée d’un éclat incertain, fragile et éphémère. Comme l’épave d’une lumière partout présente, aussi vulnérable qu’elle est invincible, sous le boisseau, à l’ombre des sociétés, des agitations étincelantes et vaines. Comme l’écho d’un refrain ancestral, qui placerait le regard de l’artiste dans l’axe de celui du Créateur.
J’avais dit « Les ténèbres m’écrasent ! »
mais la nuit devient lumière autour de moi.
Même la ténèbre pour toi n’est pas ténèbre,
et la nuit comme le jour est lumière ! (Psaume 138)
Nan Goldin est l’œil des marginaux, leur témoin et leur révélateur au monde, qu’ils soient prostitués, travestis ou drag-queens. Elle épouse les contours de cet univers crépusculaire pour en exposer les parcelles irréductibles d’humanité, de beauté, de dignité. C’est dans le cœur opaque de notre temps qu’elle scelle de son geste instantané les corps brésillés, les relations indomptables, les postures irréfragables.
D’où parle-t-elle ? D’où s’exprime-t-elle ? Elle crie à partir de la blessure, de la souffrance, de la mort, du suicide de sa sœur aînée quand elle n’a que onze ans aux victimes du SIDA – ses amis, devenus membres à part entière de sa famille – dans les années quatre-vingts ; elle hurle ses images comme autant de percées contre l’injustice.
Ces marginaux, qui font l’objet de tant de modes artistiques aujourd’hui, sont le point d’équilibre, la ligne de crête véritable (au sens fort du vocable vérité) de Nan Goldin, qui n’a pas attendu les humeurs en vogue pour exprimer, avec une pudeur à l’opposé de toute pornographie obscène, ceux que le jour a rejeté de sa face.
La photographe américaine, aujourd’hui âgée de soixante-six ans, voit la collection Lambert, qui possède une centaine de ses œuvres, lui consacrer une nouvelle exposition, avec la présentation de la quasi-totalité de ses fonds. Actes Sud publie un ouvrage qui mêle évidemment des reproductions de photographies et différents textes, dont un entretien avec Yvon Lambert, qui retrace ces quelque vingt-cinq années d’amitié avec la photographe américaine.
Exposition à la Collection Lambert : « Je refléterai ce que tu es… De Nan Goldin à Roni Horn : l’intime dans la Collection Lambert »
Du 27 juin au 20 septembre 2020
En savoir plus : Collection Lambert
Stéphane Ibars, Nan Goldin., coll. « Cahiers de la Collection Lambert », Actes Sud, 2020, 96 p., 19,50 €
Crédits photographiques – Christine floating in the waves, de Nan Goldin