Comme bien d’autres grands événements culturels, la 48e édition du festival de cinéma de la Rochelle, qui devait se tenir du 26 juin au 5 juillet, a été annulée. Chaque année, plus de deux cents films y sont présentés, commentés et partagés par des dizaines de milliers de festivaliers.
En plus de l’annulation de l’édition cannoise, le 7e Art n’enverra décidément pas grand monde au septième ciel, et pour longtemps encore. En effet, la chaîne entière du cinéma semble touchée, d’autant plus avec les décisions gouvernementales tardives, voire trop inexistantes, qui laissent les professionnels dans l’expectative.
Arnaud Dumatin, membre de l’équipe dirigeante du festival de la Rochelle, dresse pour Profession Audio|Visuel un état des lieux consécutif à cette annulation.
Quelles sont les conséquences de l’annulation du festival de la Rochelle ?
Nos collaborateurs sont impliqués différemment selon leur statut et la période à laquelle ils interviennent. Nous avons un noyau dur avec une équipe permanente qui continue à travailler, étant donné qu’en plus du festival, nous avons des actions culturelles à l’année qui sont maintenues après le confinement (ateliers, master-class…). Puis viennent les collaborateurs ponctuels qui sont tous lourdement affectés, plus ou moins selon leurs statuts. Entre les trente-cinq salariés en CDDU, les indépendants et auto-entrepreneurs dont la prestation est remise en cause, cela représente un certain nombre de personnes. Nous avons essayé de limiter l’impact au cas par cas, notamment en ayant recours au chômage partiel pour ceux intervenant dans la préparation du festival, pour lesquels nous avions des promesses d’embauche. Sachant que les mesures gouvernementales ne sont pas très lisibles, voire fluctuantes quant au recours au chômage partiel, il a fallu tenter de les décrypter au préalable.
Les distributeurs sont très présents au Festival… Qu’en sera-t-il des programmations futures ?
C’est pour l’instant difficile de mesurer les effets réels de la crise sanitaire, surtout pour les distributeurs indépendants. Sans parler de la fermeture des salles et des perspectives de réouverture qui sont encore très floues : les dates sont hypothétiques et les conditions de l’accueil du public lors de la réouverture ne sont pas claires non plus. On parle de demi-jauge, d’un espacement entre chaque séance, pour permettre une aération de la salle, mais il reste à définir précisément le cadre dans lequel les salles pourront rouvrir. Évidemment, la fermeture des salles et l’annulation des festivals – dont celle bien entendu du festival de Cannes – auront des répercussions dramatiques sur les distributeurs et sur l’ensemble de la filière.
Quelles sont vos solutions et les aides financières pour pallier l’annulation du festival ?
La billetterie est importante dans le modèle économique de notre festival, mais on est surtout aidé par des partenaires publics et privés. Si la plupart des partenaires privés ne nous soutiendront pas en 2020, nous espérons néanmoins conserver nos subventions. Pour l’instant, le CNC s’est engagé au versement intégral des aides pour les festivals annulés. Nous attendons maintenant de savoir quelles seront les modalités précises d’attribution des subventions des collectivités territoriales qui ont toutes acté le soutien de principe. Je revois donc constamment mon budget prévisionnel, notamment parce que nous continuons de préparer des événements, comme une édition en digital du festival du 26 juin au 5 juillet, avec diffusion quotidienne en partenariat avec LaCinetek. À la rentrée, nous prévoyons une édition nomade automnale avec des hors-les-murs et des cartes blanches dans d’autres festivals. Nous espérons également organiser trois jours de festival dans deux ou trois salles de La Rochelle, vers fin octobre ou début novembre, avec une programmation réduite comparée aux 200 ou 250 films habituels, en attendant la 49e édition qui aura lieu dans un an.
Quelles étaient les grandes lignes de votre programmation ?
La programmation n’était pas encore totalement finalisée, surtout pour la section “Ici et ailleurs” qui est en général bouclée en dernier. Cette année, nous avions été d’autant plus pénalisés que le festival de Cannes avait initialement reporté son édition aux mêmes dates que les nôtres ; nous n’aurions donc pas pu bénéficier des sélections cannoises. Nous aurions dû reconfigurer complètement cette section. Il y avait ensuite beaucoup d’incertitudes par rapport aux films habituellement présentés en avant-première ou aux films inédits. Nous en avions déjà retenu une vingtaine. En tout cas, la programmation de 2020 sera en partie reprise dans celle de 2021, sauf bien sûr la rétrospective Rossellini dont les films sortiront avant ; d’autres rétrospectives, comme celle de René Clément, et certains hommages seront bien reportés. C’est la seule bonne nouvelle pour tout le travail de préparation accompli cette année.
Et pour la suite ?
Le manque de visibilité accentué par l’absence de discours politique clair ne nous aide pas. Le ministère de la Culture a créé une cellule d’accompagnement des festivals. J’ai pour l’instant des difficultés à cerner le contour de ses missions. L’annonce de l’annulation des festivals d’été est intervenue tardivement. On l’avait pressentie dès le mois de mars, donc nous avons avancé entre mars et avril tout en sachant que le festival n’aurait sans doute pas lieu. La situation est inédite, mais ce qui est difficile pour le moment est surtout l’inconfort dans la préparation de l’après.
Propos recueillis par Louise ALMÉRAS
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Crédits photographiques : Jean-Michel Sicot