Le « binge-viewing » est devenu un mode de fonctionnement courant pour les jeunes générations, renforcé encore par la récente pandémie qui a mis des pays entiers à l’arrêt, condamnant chacun à rester chez soi. Qui n’a pas regardé, des heures durant, telle saison de The Walking Dead, de Game of Thrones, de Breaking Bad ou de La Casa de Papel ? Face à ce phénomène, des associations ont souligné divers risques pour la santé, notamment l’obésité, la violence et l’échec scolaire…  Il en est un autre, découvert plus récemment : l’embolie pulmonaire.

Le phénomène du « binge-viewing », ou « gavage intellectuel », consiste à regarder la télévision ou tout autre écran des heures durant – principalement des séries. Le phénomène n’est pas totalement nouveau en soi, l’apparition de la VHS, puis du DVD, ayant permis ce genre de pratiques. Mais avec l’irruption de la COVID-19, le phénomène a pris une ampleur démesurée, laissant craindre certains risques pour la santé.

Une addiction connue et acceptée

Mais revenons un bref instant en arrière. En 2013, la plate-forme Netflix met en ligne, en une fois, les treize épisodes de la première saison de House of Cards, série qui réunit Kevin Spacey, Robin Wright, David Fincher et Kate Mara. Il n’est désormais plus besoin d’attendre : un clic et un nouvel épisode commence dans la seconde !

Dans le prolongement de ce lancement, Netflix publie, à la fin de l’année 2013, les résultats d’une enquête montrant que 25 % des personnes finissent une saison de treize épisodes en deux jours, une semaine étant nécessaire pour 48 % d’entre elles. Alors que 73 % des spectateurs se sentent confortables à ce sujet, trouvant la pratique in fine normale, 76 % justifient leur attitude en la décrivant comme un refuge au milieu d’une vie extrêmement occupée.

Source : Business Insider

Source : Business Insider

Depuis, les enquêtes se succèdent et pinaillent sur l’un ou l’autre détail, tandis que la vague de fond s’accentue. Pour les jeunes générations, il n’est désormais plus question de jongler entre programmes télévisés et travail solaire ; comme le note Scott Eidler, le moment des séries s’intègre facilement dans leur programme. C’est où ils veulent, quand ils veulent !

Tous surfent sur la vague, à commencer par Microsoft qui adapte ses offres en fonction de ce nouveau phénomène ; Virgin America et Samsung s’engouffrent également dans la brèche.

L’Œil de Links s’amuse même en poussant le « binge-viewing » à l’extrême. Pourtant, les risques sont bien réels pour la santé, au-delà des habituels reproches d’obésité et de violence.

Un danger pour les poumons

Le webzine Slate avait déjà dénoncé un certain nombre de dangers, évoquant une pandémie touchant particulièrement les étudiants du monde entier. Dans son article, le journaliste Jim Pagels donnait par ailleurs cinq arguments en faveur de pauses qui respectent le temps, celui du suspense, de l’imagination, celui de la vie communautaire, de la relation aux personnages fictifs et à l’autre, bien réel…

Notre consœur suissesse Emily Turrettini a par ailleurs souligné un danger nouveau dans un article pour Le Temps  : « Une étude démontre pour la première fois un lien entre l’embolie pulmonaire fatale et le temps passé devant un écran, immobile. » Tel est en effet le fruit des recherches du professeur Toru Shirakawa de l’Université d’Osaka, qui a analysé, dix-huit années durant, le profil de 86 000 personnes.

Toutefois, si ses recherches montrent bien un lien entre le fait de regarder la télévision et le risque d’embolie, l’étude ne prouve pas encore une relation exacte de cause à effet : « L’immobilité des jambes peut en partie expliquer le constat, explique Toru Shirakawa. Pour prévenir l’embolie pulmonaire, nous recommandons la même attitude préventive que celle utilisée contre le “syndrome de la classe économique”. C’est-à-dire faire des pauses, se lever, marcher pendant qu’on regarde la télévision… Boire de l’eau pour prévenir la déshydratation est également importante. »

La crise sanitaire pourrait ainsi entraîner de nouvelles études, plus précises et poussées, une grande partie de la planète ayant été – ou étant encore – confinée chez elle, avec les écrans pour seuls horizons. Avec la détection de nouveaux risques à la clef ?

Pierre GELIN-MONASTIER