Quel drôle de film que Les aventures de Gigi-la-Loi, primé à Locarno ! Sans que l’on sache où se situe la frontière entre documentaire et fiction, Alessandro Comodin nous entraîne dans le sillage de Pier Luigi Mecchia, son oncle policier. Et nous suivons son enquête… qui n’en est pas vraiment une. Déconcertant.
Synopsis – Pier Luigi, alias Gigi, est policier de campagne, là où, semble-t-il, il ne se passe jamais rien. Un jour, cependant, une fille se jette sous un train. Ce n’est pas la première fois. Commence alors une enquête sur cette inexplicable série de suicides dans cet étrange univers provincial entre réalité et imaginaire, là où un jardin peut devenir une jungle et un policier avoir un cœur toujours prêt à sourire et aimer.
L’action se déroule dans le Frioul natal du réalisateur, né à San Vito al Tagliamento, au Nord-Ouest de la péninsule italienne, mais pourrait tout à fait se situer ailleurs, en France comme en Chine ou en Colombie, si ce n’était la langue – un mélange de frioulan et d’italien. Car Alessandro Comodin choisit de filmer l’essentiel de l’action – ou de la non-action – dans la voiture de police et, un peu, dans le jardin de son (vrai) oncle Gigi, de sorte qu’on ne voit jamais le panorama, l’horizon, la ville comme la campagne.
Il y a une esthétique du cadre, qui relève tout autant de l’enfermement (celui d’un village, d’un hôpital psychiatrique, etc.) que de la proximité, privant de recul le spectateur, lui imposant de regarder non le paysage, inexistant, mais son personnage, le quinquagénaire Gigi, perdu entre la réalité et les projections fantaisistes qui prennent régulièrement le pas sur elle. Pour accentuer cette dimension d’encadrement, de limite, de bordure infranchissable, le réalisateur italien privilégie les (très) longs plans fixes.
Un tel parti pris, évidemment respectable en soi, exigerait des dialogues substantiels, à la mesure de l’inaction générale – les « aventures » mentionnées dans le titre français, contrairement au sobre Gigi la legge original, se veut-il ironique ? – et de l’insignifiance d’une enquête qui n’en est en réalité par une, qui non seulement ne dit pas grand-chose, sinon une vague obsession de policier désœuvré, mais qui ne conduit par ailleurs à rien.
Les discussions sont à l’image du reste du film : elles pêchent par défaut d’écriture et de structure, à moins qu’il faille être du pays pour saisir d’éventuelles allusions cachées. Et l’on s’ennuie alors beaucoup, dès la première scène, lorsque Gigi se querelle pendant d’interminables minutes, de dos pour nous (et face à la haie), avec un voisin invisible à propos de la coupe des arbres.
Quelle est la nécessité d’un tel film ? Que dit-il de notre monde ? Qu’est-ce que Gigi exprime de notre humanité ? Quel est le sens de Paola, jouée par Ester Vergolini ? Quel est l’intérêt des discussions que les policiers ont dans la voiture ? À chaque scène, les questions ont afflué, avec générosité et envie, sans que je voie se dessiner la moindre réponse. Ce peut être l’échec de ce film inclassable, à offrir sa vitalité impérative ; ce peut être le mien, à entrer dans cette œuvre pour en découvrir la richesse secrète.
Les aventures de Gigi-la-Loi d’Alessandro Comodin
Italie, France, Belgique | 1h42 | 1.66:1 | couleur – DCP 2K – 5.1
Italien et frioulan avec sous-titres français – 2022
Avec Pier Luigi Mecchia, Ester Vergolini, Annalisa Ferrari, Tomaso Cecotto, Massimo Piazza, Mario Fontanello, Mario Pizzolitto, Ezio Massarutto, Ulisse Buosi, Rebecca Martin
Image : Tristan Bordmann
Son : Julien Courroye, Ingrid Simon, Emmanuel de Boissieu
Monteur : João Nicolau
Production : Palo Benzi (Okta Film), Pierre-Olivier Bardet et Hélène Le Cœur (Idéale Audience), Alice Lemaire et Sébastien Andres (Michigan Films)
Distribution : Shellac

© Shellac
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