Enfant, il passait son temps à raconter des histoires. Depuis l’impressionnant succès du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, il continue de le faire… C’est même devenu son métier ! Retour sur le parcours hors norme du scénariste français Guillaume Laurant.
Il s’est fait connaître par l’invention de l’univers singulier du Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Désormais mondialement connu. Et, de sa passion pour les dramaturgies atypiques, il en a fait son métier. Son tandem savoureux et efficace avec Jean-Pierre Jeunet a permis au cinéma français de voir naître de très belles œuvres et de lui valoir deux César du meilleur scénario. Guillaume Laurant est un autodidacte, si ce mot peut avoir un sens dans le domaine du scénario, puisque la passion et l’imagination sont les premiers nerfs de l’écriture. D’ailleurs, son parcours incroyable dans le milieu du cinéma est à lui seul une belle histoire.
Entre l’expansion de Netflix et des plates-formes en ligne, l’explosion du nombre de séries et de films en salles ou encore la multiplication des supports audiovisuels, le rôle du scénariste est en bonne place dans la société. Les produits audiovisuels s’accumulent et se diversifient, mais la qualité des histoires est bien évidemment variable. De même, tous les aspirants scénaristes ne réaliseront pas forcément leur rêve d’exercer ce métier. Le témoignage de Guillaume Laurant, en ce sens, est double. S’il est devenu scénariste, c’est à la fois grâce à ses dispositions indéniables pour raconter des histoires et grâce à son audace.
Savoir raconter des histoires, est-ce tout un art ?
« Vous pouvez l’habiller mais on voit toujours qu’un film est bon quand le scénario l’est », déclarait le réalisateur et scénariste Curtis Hanson (L.A. Confidential et 8 Mile). Mais comment fait-on pour parvenir à devenir un bon scénariste ? Et comment savoir si l’on est capable d’exercer ce métier ?
La réponse première est sans doute qu’il n’y a pas de règles, sinon celle d’avoir de l’imagination. « Je pense que pour être scénariste, il faut aimer inventer et raconter des histoires, résume d’emblée Guillaume Laurant. Savoir les raconter s’apprend, mais je ne crois pas qu’il y ait une formation meilleure qu’une autre. Les bases à connaître, on les connaît souvent instinctivement car elles sont utilisées depuis la Grèce antique. »
La pratique de l’écriture est par ailleurs aussi importante. C’est en écrivant qu’on apprend et qu’on développe sa capacité de création. « Il faut se faire confiance et raconter des histoires sous toutes les formes possibles (courts-métrages, nouvelles, etc.), plutôt que d’accumuler trop de connaissances techniques et théoriques, conseille Guillaume Laurant, avant d’insister sur le piège de s’enfermer dans le mode d’emploi plutôt que d’être dans le faire. Le danger est de trop se regarder écrire et de devenir davantage un théoricien de l’écriture que quelqu’un qui écrit. C’est une ornière dont certains ont du mal à s’extraire par la suite. Pour écrire il faut avoir le désir de raconter des histoires. Mais le carburant de ce moteur est, je crois, la curiosité. Il faut être curieux de tout, des autres, de ce qu’on lit, de ce que l’on voit, des gens qu’on croise, de leur manière de parler, de bouger et ça non plus, ce n’est pas quelque chose qui s’apprend. »
Un parcours où l’intuition a gardé son cap
Sans doute n’avait-il pas lui-même, enfant, imaginé obtenir deux César du meilleur scénario pour Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001) et Un long dimanche de fiançailles (2004) quand il serait plus grand. Pourtant, son début de parcours peu prometteur était en réalité l’exacte source de ce qui ferait de lui un bon conteur. « Enfant, j’étais très rêveur et je vivais dans les livres, se souvient Guillaume Laurant. Tous les romans ingurgités m’embarquaient ensuite dans des rêveries interminables — dont j’étais le héros bien sûr —, mais me rendaient inattentif et même assez réfractaire au système scolaire (on a voulu dès le CM2 me mettre en classes de transition, me jugeant inadapté au cursus normal). »
Dès l’âge de dix-huit ans, il exerce « toutes sortes de métiers sans qualifications (manutentionnaire, manœuvre, saisonnier, serveur, coursier, etc.) pendant une dizaine d’années, d’abord en province, puis à Paris où je me suis inscrit dans un cours de théâtre amateur ». Ces cours de théâtre marquent un tournant dans sa vie et lui permet de se réaliser véritablement. « Ça m’a énormément plu et je me suis mis à écrire des sketchs et des pièces “sur mesure” pour mes camarades. Ce sont eux qui m’ont poussé à essayer d’écrire pour le cinéma ou la télé et m’ont offert Comment écrire un scénario de Michel Chion. Dans ma chambre de bonne sous-louée, je me suis lancé tout seul dans l’écriture d’un moyen métrage un peu loufoque, que j’ai envoyé par la poste à Jean-Pierre Jeunet en cherchant son adresse dans l’annuaire au bureau de poste. »
À partir de là, tout s’enchaîne. Jean-Pierre Jeunet l’appelle et lui propose d’écrire des dialogues dans La Cité des enfants perdus. « Ensuite, il m’a présenté Diane Bertrand avec qui j’ai co-écrit son premier film Un samedi sur la Terre. Mon deuxième scénario porté à l’écran a été Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. » Il recevra un Oscar, en plus d’un César, pour le meilleur scénario. « Il y a bien sûr un avant et un après. Personne ne me connaissait et, du jour au lendemain, tout le monde voulait travailler avec moi. Bref, enfant, je passais mon temps à inventer des histoires et ça me déphasait des autres et de la réalité. Aujourd’hui, je continue à le faire et c’est devenu mon métier. »