Si la galerie VU’ reçoit de nouveau des visiteurs sur rendez-vous, elle prépare une grande réouverture prochaine, probablement en septembre prochain, afin de présenter enfin au grand public la nouvelle exposition inédite de Monika Macdonald, fermée au lendemain du vernissage.
La galerie VU’, l’une des plus importantes en France pour la photographie, a rouvert timidement ses portes depuis la fin du confinement, proposant des rendez-vous individuels, les mardis, mercredis et jeudis, en attendant une grande réouverture prochaine, envisagée en septembre prochain.
Trois des quatre salles de la galerie sont consacrées à un travail inédit de la photographe suédoise Monika Macdonald, intitulé Hulls (“coques” en français), qui consiste en une série de – presque – nus masculins, de corps d’hommes regardés « dans leur fragile intimité, avec un regard à la fois assez cru et bienveillant ».
Profession Audio|Visuel a rencontré la galeriste Caroline Benichou.
Entretien
Comment avez-vous vécu ces trois derniers mois ?
Ce fut particulièrement compliqué parce que l’exposition de Monika Macdonald a été inaugurée le jour où le président a annoncé la fermeture des écoles, de sorte qu’elle n’a été ouverte au public que durant vingt-quatre heures. Nous avons eu un vernissage avec assez peu de monde, tout au plus une quarantaine de personnes, avant que le confinement ne soit décidé la semaine suivante. C’est une exposition sur laquelle on travaillait avec la photographe depuis longtemps ; c’est la première fois qu’elle présente cette série, qui a été intégralement produite pour l’occasion. Ce fut donc particulièrement difficile pour la photographe qui arrivait tout spécialement de Suède et qui ignorait si elle pourrait rentrer facilement dans son pays. La galerie a donc été fermée pendant tout le temps du confinement. Nous avons décidé de rouvrir uniquement sur rendez-vous, pour éviter des problématiques d’organisation, car nous n’étions pas sûrs que la galerie retrouverait d’emblée sa fréquentation. Nous réfléchissons actuellement à une vraie réouverture, avec l’exposition de Monika Macdonald.
Avez-vous mis en place des initiatives pendant ce temps de confinement ?
Il a fallu réinventer des relations entre nos collectionneurs et nos photographes, ce qui a très bien fonctionné. Beaucoup de nos artistes ayant des laboratoires chez eux et faisant leurs tirages eux-mêmes, ils ont profité de la période de confinement pour travailler en labo. Ils ont été très productifs durant toute la période. Comme je travaille avec beaucoup de photographes qui sont à l’étranger, cela a été l’occasion d’organiser des rencontres virtuelles entre eux et les collectionneurs, qui consistaient notamment en des visites d’ateliers et de laboratoires ou en des présentations de leurs séries inédites… Juan Manuel Castro Prieto, qui s’est confiné dans son gigantesque laboratoire dans le centre de Madrid, a par exemple profité de ce temps pour finaliser une technique de tirage sur laquelle il travaillait depuis plusieurs années. Toutes ces rencontres virtuelles ont permis de créer d’autres types de lien que ceux que l’on peut faire sur place à la galerie : les collectionneurs sont entrés dans le lieu de travail des artistes. Cela a été très enthousiasmant pour tout le monde, comblant même la frustration de ne pas pouvoir se voir. Cela a enfin permis aux photographes de s’en sortir financièrement, même si la période reste très difficile : toutes les expositions, les commandes et les workshops estivaux ont été soit annulés, soit reportés.
Quel est l’impact financier de la pandémie sur la galerie ?
Nous avons continué à faire des ventes pendant la période de fermeture, certes pas à la hauteur de celles que nous faisons lorsque la galerie est ouverte, mais nous avons tout de même réussir à maintenir une petite activité économique. Il faut dire aussi que la galerie a la chance de se reposer sur une entreprise : nous faisons partie du groupe Abvent qui nous soutient économiquement dans les moments difficiles. Nous ne sommes donc pas dans la délicate situation d’une galerie indépendante ; je pense que, pour certains confrères, la période a dû être beaucoup plus tendue.
Les événements de ces derniers mois auront-ils des conséquences sur la programmation à venir ?
Oui, évidemment. Nous allons devoir recaler toute la programmation prévue entre avril et août, puisque l’exposition de Monika Macdonald n’a pas été vue. La durée moyenne d’une exposition est entre cinq et six semaines, ce qui signifie que nous avons deux expositions qui n’auront pas lieu aux dates initialement prévues. Mais il y a des expositions inamovibles, comme celle que nous présenterons à l’occasion de Paris Photo, qui est un moment fort et spécifique pour nous : nous proposerons deux séries d’Israël Ariño à la galerie et un extrait d’une série inédite sur le stand de Paris Photo.
C’est la seconde fois que vous exposez une série photographique de Monika Macdonald. Qu’est-ce qui vous attire dans son travail ?
Je l’aime beaucoup ! Quand Monika a commencé à travailler sur cette nouvelle série, je me souviens lui avoir dit que je n’avais jamais vu des hommes photographiés comme ça. Le nu masculin est assez rare en photographie, renvoyant presque systématiquement à une allégorie de la force, à une imagerie homo-érotique ou à un contexte de misère. Ce que fait Monika Macdonald est d’autant plus rare qu’elle regarde ces hommes occidentaux dans leur fragile intimité, avec un regard à la fois assez cru et bienveillant. On dirait qu’elle met un insecte dans un bocal et qu’elle regarde comment il évolue, pour en faire des images. C’est la façon dont elle travaille : elle s’enferme en milieu clos avec eux, après avoir fait quelques esquisses préparatoires. Cette forme d’observation et de distance est très particulière, car elle est empathique tout en restant assez froide. Je trouve ça très fort.
Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER
En savoir plus : Galerie VU’