Run et Florent Maudoux signent une BD originale, mêlant de classiques parties dessinées et un récit historique illustré, très documenté, sur les dernières semaines d’Elizabeth Short, avant son meurtre odieux (Ed. Rue de Sèvres).
La vitalité de la bande dessinée se mesure au développement de ses formes et de ses esthétiques, de plus en plus diverses, de l’aventure classique au dessin heurté, du roman graphique à la reconstitution historique.
A Short Story relate l’histoire du Dahlia noir, surnom donné à cette jeune femme dont le meurtre, qui défraya en son temps la chronique, n’est toujours pas élucidé à ce jour. Elizabeth Short aurait pu intégrer le cimetière des oubliées de l’histoire, si la culture populaire ne s’en était pas mêlée, au premier rang de laquelle le célèbre romancier James Ellroy qui consacra un roman à ce brutal assassinat – roman qui fit l’objet de différentes adaptations, au cinéma comme… en bande dessinée, par Matz, David Fincher et Miles Hyman !
L’approche du scénariste Run et du dessinateur Florent Maudoux, auteurs de A Short Story, est cependant tout à fait autre : ils souhaitent mêler la plus grande rigueur historique, dénonçant certains prismes de lecture dont eux-mêmes ne sont probablement pas indemnes, à leur corps défendant, et une originalité formelle. L’ouvrage qui nous est proposé par les éditions Rue de Sèvres alterne les éléments factuels, présentés sous forme de textes, de photographies d’archives et de dessins, avec des parties – choisies parmi les faits les plus avérés – entièrement dessinés et dialogués, comme une bande dessinée (plus) classique.
L’ensemble forme un objet d’un réel intérêt, en ce qu’il nous introduit avec rigueur dans les coulisses d’une histoire complexe, recouverte trop souvent de témoignages incertains et des sinistres rumeurs du journalisme jaune, tout en nous offrant le plaisir habituel que l’on éprouve à parcourir une bande dessinée. L’art de joindre l’histoire au divertissement, l’utile – pour autant qu’un fait divers le soit – à l’agréable.
Il y a une belle voie d’avenir pour la bande dessinée, pour qui veut s’y risquer. Et l’on ne parle pas ici que de meurtres sordides non résolus, même si les crimes et les accidents impliquant des femmes semblent susciter un regain d’intérêt, tant universitaire qu’artistique, comme en témoigne la sortie récente au cinéma du film catalan Les mystères de Barcelone, évoquant la figure d’Enriqueta Martí, surnommée « la vampire de Barcelone » par une presse en quête de sensations. Les surnoms aussi engendrent leur mythologie, au risque de la vérité historique.
La bande dessinée démontre une nouvelle fois, avec A Short Story, qu’elle peut pleinement jouer sa part documentaire.
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Run et Florent Maudoux, A Short Story. La véritable histoire du Dahlia noir, Ed. Rue de Sèvres, 2022, 112 p., 19,90 €
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