Dépourvu d’un scénario original mais doté d’une singulière saveur, le nouveau film de Ritesh Batra nous enchante de couleurs et de pudeur. Une petite douceur sans surprise, mais bien agréable tout de même.
Le film, déjà disponible sur les plates-formes VOD, vient de paraître en DVD mercredi 20 mai 2020.
Synopsis – Rafi, modeste photographe musulman, fait la rencontre d’une muse improbable, Miloni, jeune femme issue de la classe moyenne de Bombay. Quand la grand-mère du garçon débarque, en pressant son petit-fils de se marier, Miloni accepte de se faire passer pour la petite amie de Rafi. Peu à peu, ce qui n’était jusque-là qu’un jeu se confond avec la réalité…
Enracinement et universalité
Si une telle romance avait été française, nous ne nous y serions pas arrêtés outre mesure. Mais voilà, elle nous vient d’Inde. L’exotisme apporte au film ce que le scénario ne contient pas, une douce originalité, une saveur inédite, un plaisir certain. Nous retrouvons là ce qui avait fait le succès de sa célèbre Lunchbox.
Le Photographe mêle le folklore du sous-continent indien à la romance universelle, avec des ressorts d’opposition traditionnels : différences sociales, religieuses, culturelles, de couleur (Rafi a « le visage aussi noir qu’une malédiction »), d’âge… Dix-huit ans séparent Nawazuddin Siddiqui et Sanya Malhotra, les deux comédiens qui interprètent les personnages principaux. On pourrait s’en étonner, si la littérature indienne ne regorgeait pas d’exemples en ce sens : il n’y a pas si loin qu’on mariait des petites filles à de jeunes hommes, si l’on en croit l’immense poète Rabindranath Tagore dont le merveilleux recueil de nouvelles Kabuliwallah et autres histoires vient de paraître en poche, aux éditions Zulma, en mars dernier.
Une pudeur du fond des âges
La singularité du Photographe ne tient pas seulement à sa photographie latéritique, à ses tonalités rouges et brunes, mais également à la pudeur qui accueille en son silence un sédiment de mystère : aucune sensiblerie dégoulinante, rien d’immédiat et d’exacerbé… Les personnages ne sont pas circonscrits au seul regard du réalisateur ; il nous est donné d’en interpréter librement certains signes.
Si l’histoire est sans surprise, si nous pouvons anticiper la quasi-totalité des scènes, nous hébergeons néanmoins et peu à peu en nous la temporalité lente qui nous dévoile imperceptiblement un peu de cet arrière-pays qui nourrit le cœur et l’imagination des personnages. Nous goûtons là une monstration progressive que l’Occident a trop souvent oubliée, comme si nous assistions à un film français ou américain datant d’il y a plus d’une cinquantaine d’années.
Comme nos deux héros se laissent surprendre par la rencontre et par leur propre évolution, nous nous laissons étonner de l’amusement que nous prenons à les suivre, d’évidence en évidence, jusqu’à la surprise finale, seule scène véritablement insolite de tout le film. Si la parole de Rafi ne laisse que peu de doute quant à l’interprétation, nous nous réjouissons tout de même de ne pas avoir droit à une énième déconstruction.
Nous avons vu le film dans ses deux versions, originale avec sous-titre et française. Nous recommandons vivement la première, la seconde ne permettant pas de goûter pleinement l’ambiance, ni de percevoir les évolutions du jeu de Sanya Malhotra et de sa relation avec Nawazuddin Siddiqui.
Pierre GELIN-MONASTIER et Pauline ANGOT
Ritesh Batra, Le Photographe, Inde, 2019, 109mn
Sortie e-cinéma : 22 janvier 2020
Sortie DVD : 20 mai 2020
Genre : drame romantique
Classification : tous publics
Avec Sanya Malhotra, Nawazuddin Siddiqui, Farrukh Jaffar, Abdul Quadir Amin, Vijay Raaz, Geetanjali Kulkarni, Jim Sarbh, Akash Sinha, Amarjeet Singh
Scénario : Ritesh Batra
Image : Ben Kutchins, Timothy Gillis
Musique : Peter Raeburn
Montage : John F. Lyons
Production : Poetic License, Filmscience, Pola Pandora, KNM
Coproduction : Skywalk Films
Distribution : Le Pacte
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