Dans un texte publié le 1er mai sur le site de la revue délibéré, dont il a intégré l’équipe de rédaction, Gilles Walusinski retrace sa vie de photographe à travers les revues, souvent éphémères, qui ont jalonné son parcours, de Techniques graphiques et Terre d’images à Transbordeur-photographie, histoire, société en passant par Camera et Les Cahiers de la Photographie. C’est toute une histoire passionnante qui se déploie, derrière le seul témoignage.
Nous reproduisons ci-dessous l’introduction de cette pérégrination qui devrait compter plusieurs volets.
« Pour nourrir une vocation naissante au milieu des années 1960, la photographie rêvée comme métier, les magazines illustrés spécialisés apportaient le début d’une culture. Soutenus par une industrie en plein développement, encourageant une consommation de masse, les magazines mêlaient habilement conseils techniques et promotions de nouveaux matériels, et portfolios d’auteurs en mal de notoriété. Le plus souvent cette promesse de notoriété justifiait l’absence de rémunération. Les revues apportant le fruit de travaux de réflexion se révélaient donc indispensables pour mieux connaître la photographie et son histoire. L’apparition en 2017 de la revue Transbordeur-photographie, histoire, société m’a rappelé que ma vie de photographe avait été jalonnée par les revues. C’est cette histoire que je compte raconter, faite de rencontres et de hasards objectifs.
Au milieu des magazines médiocres se distinguait Camera, une revue suisse publiée par les éditions Bücher. Son rédacteur en chef, Alan Porter, poursuivait le travail exigeant de son prédécesseur, Romeo Martinez. Camera publiait aussi des portfolios mais développait dans ses textes l’idée que photographier était faire œuvre d’auteur. Des numéros thématiques creusaient un peu l’histoire du médium ou des aspects plus techniques, comme un numéro spécial resté exemplaire consacré aux différents procédés d’impression, avec leurs mérites respectifs, pour obtenir la meilleure reproduction. Évoquer le nom de Romeo Martinez m’amène à penser que les rencontres, les amitiés que j’ai nouées en photographie sont liées aux revues, celles qui permettaient de réfléchir à la photographie, à ses liens avec la société, qui amenaient à penser que notre manière de voir est aussi un acte politique. Ce cercle d’amis, les événements du mois de mai 68 ont contribué à le dessiner alors que se réunissaient à l’école Louis-Lumière, rue de Vaugirard, les états généraux de la photographie – et du cinéma. Je peux citer ici ceux qui auront une importance déterminante pour la suite de ma vie de photographe, Gisèle Freund, Jean Lattès et Roger Pic ont tous eu un lien avec ces revues qui jalonnent mon parcours.
En sortant de « Vaugirard », il fallait trouver du travail. Un imprimeur installé rue de Saintonge, dans le marais parisien, voulait développer un département offset. Il avait besoin d’installer un laboratoire pour développer des films destinés à la réalisation par insolation des plaques offset. Il me confiait cette mission impossible, le talc distillé par les vieilles machines typo pour éviter le maculage, les taches d’encre sur les feuilles de papier en contact, envahissait tout le local. Une fine poussière incompatible avec un procédé photographique. Ce maître imprimeur était aussi éditeur d’une revue, Techniques graphiques, qui donnait une place importante à la photographie. Son intérêt pour le médium l’avait incité à créer une autre revue Terre d’images. Cette nouvelle revue de qualité eut une vie brève, l’entreprise n’ayant pu résister à la mutation offset qui balaya les perfectionnistes de la composition au plomb.
Une autre revue fit son apparition, Les Cahiers de la Photographie, publiée par Claude Nori, fondateur des éditions Contrejour. Elle se voulait organe de réflexion à l’instar des Cahiers du Cinéma ; approches critiques de l’acte photographique était son slogan. La personnalité de l’éditeur, flibustier rigolo m’a empêché de suivre attentivement ces cahiers, j’en ai gardé une ou deux pépites… »
Lire l’article complet de Gilles Walusinski : Ma vie en revues (1)