La photographe et réalisatrice documentaliste Oswalde Lewat vient de publier son premier roman : Les Aquatiques (Éditions Les Escales). Une agréable surprise littéraire !
La photographe et réalisatrice documentaliste Oswalde Lewat vient de publier son premier roman : il raconte la vie d’une femme, Katmé Abbia, mariée au carriériste Tashun, préfet de la capitale et appartenant de ce fait à la haute société du Zambuena, pays fictif dont la sonorité charrie tout un monde africain pétri de couleurs vives, d’exubérance vitale, d’infâme corruption et de souffrances ensevelies – en dépit de sa devise qui pourrait fort bien ressembler, dans son balancement ternaire et par sa désincarnation, à certaines formulations plus occidentales : « Honneur, dignité et paix ».
Le récit s’ouvre sur l’enterrement de la mère de Katmé, alors que celle-ci n’est encore qu’une jeune fille de treize ans, une adolescente abandonnée depuis trop longtemps par sa mère qu’elle ne peut par conséquent pleurer le jour de la définitive séparation. Quant au père, ploutocrate aussi puissant qu’il est ridicule, il ne compte pas – sauf lorsqu’il a les moyens de renforcer son pouvoir, grâce au providentiel mariage de son apparent tendron.
Apparent, car Katmé a le sens de la fidélité, celle qui la lie aux êtres qui l’ont toujours aimée et accompagnée, sans la ravaler à un rang de bâtarde, de faire-valoir féminin… Quand son ami Samuel Pankeu, dit Samy, artiste cabossé et homosexuel assumé, est incarcéré, que son mari et tous ses soutiens se révèlent au mieux abouliques, sinon d’une pitoyable lâcheté, elle commence le douloureux apprentissage de la liberté et assume progressivement ce qui vivait sourdement dans ses entrailles de chair, de larmes et de sang.
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Ce premier roman est une agréable surprise, évitant le piège de l’écrasant monolithe du moralisme politico-affectif – une combinaison fort en vogue de nos jours. Il y a bien quelques facilités ici et là, le texte disant rarement plus que ce qu’il énonce, mais rien qui forme un bloc de sotte-bonne conscience et de vaniteuse prise au sérieux, grâce notamment à la forte charge ironique qui traverse le récit, page après page. « Les Aquatiques », qui donne son nom au roman, est le titre d’une série de tableaux photographiques qui représentent « des visages terrifiés, émergeant d’eaux usées, d’inondations, les pièces d’identité surnageant, des mères suspendant à bout de bras au-dessus de leur tête un bébé, une lampe, une valise, la figure tuméfiée d’un noyé ». La peur, la misère, la honte, la mort… ces réalités qui peuplent les souterrains d’une humanité corrompue, persécutée.
L’exposition dans laquelle s’inscrivent ces photographies s’intitule quant à elle Ante Mortem : une prémonition, l’horizon de la vie, de toute narration. Et, en filigrane, se dessine un post-mortem, refuge des élans vitaux, réceptacle de celle qui a traversé la mort au monde pour enfin se trouver soi.
La principale qualité des Aquatiques se concentre in fine dans la charge de subjectivité assumée par l’autrice. Nous y sentons un regard singulier et une plume qui, sans être allée au bout de son chemin (qui le pourrait en un premier roman ?), a déjà parcouru bien des paysages brûlants, des vallées de cendres aux vernales frondaisons.
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Osvalde Lewat, Les Aquatiques, Les Escales, 2021, 304 p., 20 €
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