Malgré ses nombreuses références au film noir, Les Siffleurs n’est pas à la hauteur de sa prétention : le scénario, fragmenté et inabouti, se perd en de multiples directions qui ne font hélas jamais sens, malgré une distribution impeccable.

Le film sort en DVD et Blu-Ray ce mardi 7 juillet 2020.

Synopsis – Cristi est un inspecteur de police de Bucarest désabusé et corrompu. Embarqué malgré lui par la sulfureuse Gilda sur l’île de la Gomera, il doit apprendre le Silbo, une langue sifflée ancestrale dans le but d’aider un groupe maffieux à faire évader Zsolt. En effet, seul ce dernier sait où sont cachés 30 millions d’euros issus du trafic de drogue. Mais c’était sans compter sur la police, à la recherche de ce même butin. Et de l’amour qui va s’en mêler.

Les premières minutes laissent penser que nous allons avoir un thriller de qualité, avec ce petit quelque chose d’indéfinissable nous donnant à goûter un autre territoire cinématographique. On reconnaît en effet la patte de l’école roumaine, celle de Cristian Mungiu, de Cristi Puiu et de Corneliu Porumboiu. Est-ce la sobre ambiguïté du personnage principal, interprété avec justesse par le comédien Vlad Ivanov ? Est-ce le mélange des langues, de l’espagnol au roumain en passant par le mystérieux silbo, langage sifflé qui se pratique sur La Gomera, une des sept îles principales des Canaries (Espagne) ? Qu’importe. La magie – si tant est qu’elle existait, même partiellement – ne dure pas.

En huit chapitres colorés aux couleurs de l’arc-en-ciel, l’intrigue se dévoile progressivement, d’abord sous la forme classique de flashbacks (cf. Laura, Usual Suspects ou encore le plus récent The Gentlemen, pour citer les deux films qui nous reviennent en mémoire au moment d’écrire cette critique), avant de se resserrer autour du seul présent. La première partie du film entremêle correctement les machinations et enjeux, autour du duo que constituent Cristi, le flic corrompu, et Gilda, une caricature de femme fatale – robe rouge, talons hauts, chevelure brune et maquillage irréprochable –, dont le prénom n’est évidemment pas sans rendre un hommage appuyé et explicite à l’héroïne de Charles Vidor, qui fit la célébrité aussi bien artistique que plastique de Rita Hayworth.

Sitôt l’île de La Gomera quittée et le récit rétréci au seul présent en Roumanie, le film semble presque oublier la moitié des enjeux. Des personnages se perdent en cours de route (comme le chef mafieux), des péripéties adviennent gratuitement, sans qu’on n’en comprenne les causes ni l’intérêt, des intrigues ne trouvent aucun dénouement… Cela résulte de graves lacunes dans l’écriture du scénario qui, à trop vouloir nous duper, se perd lui-même.

Quel jeu y a-t-il entre Cristi et sa cheffe ? Pourquoi un gars est-il retrouvé mort dans l’entrepôt au début ? Pourquoi l’hôtelier tente-t-il de tuer Gilda, dans une scène-réplique de Psychose, avant de lui proposer une collaboration ? Que vient faire l’accident de voiture ? Pourquoi donner un rendez-vous à Singapour, sinon pour offrir une scène finale archi-convenue ? Si l’on comprend les nombreuses références au cinéma de genre (il n’est guère de réalisateurs qui ne glissent dorénavant dans leurs films quantité d’allusions et hommages, par plaisir certainement, peut-être aussi pour bien montrer qu’ils savent jouer des codes), si l’on devine évidemment certaines réponses, on peine cependant à trouver une quelconque acuité à celles-ci.

Faute d’un sagace aboutissement, Les Siffleurs se perd dans de multiples directions qui ne constituent hélas jamais un sens pour l’œuvre, malgré une distribution impeccable dominée par Vlad Ivanov mais contrôlée par les femmes, véritables personnages forts de l’histoire : Catrinel Marlon (Gilda) Rodica Lazar (Magda) et Julieta Szonyi (la mère de Cristi).

Pierre GELIN-MONASTIER et Pauline ANGOT

 



Corneliu Porumboiu, Les Siffleurs, Roumanie – France, 2019, 97mn

Sortie cinéma : 8 janvier 2020
Genre : thriller
Classification : inconnue

Avec Vlad Ivanov, Catrinel Marlon, Rodica Lazar, Sabin Tambrea, Antonio Buil, Agusti Villaronga, Julieta Szonyi, George Pistereanu, Cristóbal Pinto
Scénario : Corneliu Porumboiu
Image : Tudor Mircea
Montage : Roxana Szel

Production : 42 Km Film, Les films du Worso, Komplizen Film
Distribution : Diaphana Distribution

En savoir plus sur le film avec notre partenaire CCSF : Les Siffleurs

Crédits photographiques : Vlad Cioplea

Catrinel Marlon Vlad Ivanov Les Siffleurs (crédits : Vlad Cioplea)



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