Comédie romantique à l’humour affiché et portée par les irréprochables Karin Viard et Grégory Gadebois, Maria rêve porte – involontairement – un tragique existentiel qui mêle aux rires une tristesse diffuse devant cette humanité en errance. À découvrir en salles.

CRITIQUE

Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller, découverts avec le court-métrage Chèvre ou Vache (2015) et rencontrés avec Pile poil, César du meilleur court-métrage en 2020, viennent de réaliser leur premier film, Maria rêve, avec Karin Viard et leur comédien fétiche, Grégory Gadebois.

Synopsis – Mariée depuis 25 ans, réservée, timide et maladroite, Maria ne quitte jamais son carnet à fleurs dans lequel elle écrit des poèmes en secret. Lorsqu’elle est embauchée comme femme de ménage à l’École des Beaux-Arts, elle rencontre Hubert, le gardien de l’école, et découvre un lieu déconcertant, presque à l’opposé de son monde.

Le film se présente résolument, sur la forme et sur le fond, comme une comédie romantique. On y retrouve de temps à autre ce sympathique humour qui a fait le succès du couple Escaffre-Muller – qui jouent d’ailleurs remarquablement bien la directrice submergée des Beaux-Arts et le pédant professeur d’art, également amants à la sauvette –, mais à la différence des courts-métrages, le rythme ne peut être aussi soutenu. C’est donc la romance qui prend le pas sur les dialogues cocasses et burlesques.

Comme souvent avec les comédies romantiques, que d’aucuns trouvent légères et divertissantes, j’ai ressenti une profonde tristesse devant le tragique des existences qui se croisent et s’exposent inconsciemment à l’écran. Tristesse devant cette jeunesse, incarnée par la délicate Noée Abita, qu’aucune nécessité artistique ou amoureuse ne vient traverser. Tristesse devant ces formes artistiques qui n’expriment plus que des nécroses mortes, sans grandeur, ni élan vital, ni réel désir. Tristesse devant la relativité des opinions qui ne donnent aucune terre où arrimer son engagement, son être tout entier.

Tristesse aussi devant cette critique des plus pauvres, ceux qui ne sont pas sensibles aux prétendus beaux-arts, ces immigrés (ici, d’origine portugaise) qui peinent à percevoir l’arrière-pays imaginaire derrière l’apparence des êtres et des objets, parce qu’on ne le leur a probablement jamais ouvert la bonne porte, et qui prennent avec trop de sérieux les choix de vie. Ainsi le mari de Maria, qui peine à pardonner à son meilleur ami et à sa fille, d’au moins vingt ans plus jeune, de s’être mis en couple… Sa décision peut sembler obtuse, pitoyable, elle n’en est pas moins authentique – plus, peut-être, que tout le reste du film –, nécessitant un combat, un cheminement, une acceptation intérieure, qui est vaguement esquissée avant qu’Oratio, le fameux mari joué par Philippe Uchan, ne soit de nouveau et définitivement ridiculisé, dans l’ultime scène.

Ce sont là tout à la fois des interprétations très personnelles de cette comédie, bien sombre selon moi, et des éventuels inconscients – pour les auteurs-réalisateurs – qui se déploient en creux de la relation que nouent Maria et Hubert, interprétés avec tendresse et poésie par Karin Viard et Grégory Gadebois.

Pierre GELIN-MONASTIER

 



Maria rêve de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller
France | 2020 | 1h33 | Couleur

Sortie : 28 septembre 2022
Public : tous publics

Avec Karin Viard, Grégory Gadebois, Philippe Uchan, Noée Abita, Lauriane Escaffre, Yvonnick Muller, Pauline Clément

Producteurs : Foucauld Barre, Nicolas Duval Adassovsky, Quad Productions
Distribution : UGC distribution

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