Entre maître d’œuvre, assistant et relais de la production, le bon déroulement d’un tournage dépend essentiellement de l’assistant réalisateur, qui est, selon Matthieu de la Mortière, au carrefour de tous les rôles et de toutes les collaborations, avant et pendant le tournage.

Planifier, orchestrer, arbitrer : ces trois mots résument sans doute le cœur du travail d’un premier assistant réalisateur. En d’autres termes, celui-ci est le bras droit direct du réalisateur. Matthieu de la Mortière en a fait son métier depuis vingt ans, après une formation à l’école de cinéma 3IS. À ce titre, il estime plus juste le terme d’assistant du film que celui du réalisateur. Son parcours lui a permis de travailler avec Jean-Jacques Annaud pour Le Dernier Loup et de collaborer régulièrement avec la société de production Eskwad (La Belle et la Bête, Les Tuche 3).

Un choix critique pour le film

Avant le tournage, l’assistant est d’emblée sur les rails. Il étudie le scénario, établit un plan de tournage, le budget approximatif du film ou encore le calendrier. Sans lui, l’ordre de marche serait bancal ; avec lui, toutes les solutions sont à portée de doigt. D’ailleurs, le réalisateur John Frankenheimer (Le prisonnier d’Alcatraz, À armes égales) estimait même que « le premier assistant réalisateur est si important que son choix est critique pour le film ».

Un premier assistant réalisateur, autrement appelé assistant à la mise en scène, est donc une pièce maîtresse de l’équipe technique et artistique d’un film, puisqu’il est là pour faire la jonction entre les deux. Plus encore, il coordonne la préparation du film avec l’équipe de production. C’est dire le rôle essentiel qu’il endosse dans un film. Pourtant, sa place est souvent reléguée aux métiers dits de l’ombre, au profit du réalisateur, du producteur ou des acteurs amenés à la lumière. Entre maître d’œuvre, assistant et relais de la production, le bon déroulement d’un tournage dépend essentiellement de lui. Matthieu de la Mortière le résume ainsi très bien : l’assistant « est vraiment dans l’ombre et à la fois au cœur de l’enjeu du film, et ce de manière polyvalente, ce qui nécessite beaucoup d’énergie et de temps ».

La présence salutaire de l’assistant sur un tournage

Si l’assistant est engagé par la production et permet d’être l’interlocuteur privilégié du directeur de production, son rôle est avant tout d’être au côté du réalisateur, et de toute l’équipe mise en scène et technique avec lui. Comme il n’a pas de pouvoir direct dans les décisions artistiques, son intervention se compare plutôt à celui de conseiller. « Dans une équipe de tournage, il y a des piliers artistiques comme le chef décorateur, le chef opérateur, tandis que l’assistant réalisateur est un pilier invisible, explique Matthieu de la Mortière. On attend de nous beaucoup d’arbitrages, déterminants pour le bon déroulement du tournage et le bon aboutissement du film. Nous sommes donc au cœur des discussions. »

À quoi sert l’arbitrage si le réalisateur sait où il veut aller ? C’est toute la question du travail d’équipe considérable que représente un film, mais aussi celle de la mise en pratique d’une idée (le scénario) qui se confronte aux contingences du réel. « Selon les marges de participation que le réalisateur nous laisse, on va pouvoir intervenir artistiquement, jusqu’à parfois réécrire le scénario. Car notre travail est aussi de réussir à faire correspondre le plan de travail avec le budget du film, tout en allant au mieux dans le sens de l’œuvre. En ce sens, nous sommes plutôt l’assistant du film que l’assistant du réalisateur, c’est-à-dire le rouage qui permet de raconter l’histoire de la meilleure manière possible. »

À la fois garde-fou et ange gardien du projet, le premier assistant permet d’équilibrer la recherche artistique avec l’objectif final : aller au bout du film de la manière la plus pertinente possible. Paradoxalement ou fatalement, « la contrainte permet souvent de recentrer la véritable idée du film ». Cet arbitrage se fait en amont du tournage, au moment de l’élaboration du plan de tournage. Il permet même parfois un gain de temps considérable. « Parfois, il faut revoir la manière de tourner, le nombre de jours de tournage ou carrément enlever un personnage du film. C’est souvent salutaire. Beaucoup de réalisateurs m’ont confié que, lorsqu’ils avaient un budget illimité, ils n’avaient pas cette occasion de revisiter la pertinence du scénario et que le film en avait souffert. En général, on s’en aperçoit au montage, mais c’est trop tard. »

Au carrefour de tous les collaborateurs d’un film

Pour mieux comprendre pourquoi le premier assistant est véritablement au cœur des collaborations du film, il faut saisir à quel point la hiérarchie est cruciale au moment d’un tournage. « On travaille sur des périodes assez courtes, avec une équipe que l’on ne connaît pas, rappelle Matthieu de la Mortière. Tout est donc très organisé. Le second assistant est directement relié au premier assistant qui lui donne ensuite le choix de transmettre les informations au troisième assistant. Les premier et second sont vraiment là pour encadrer la communication pour toute l’équipe. »

Mais sa fonction suppose bien plus que de coordonner toute une équipe. Il doit évidemment savoir aussi parfaitement en quoi consiste le rôle des autres et avoir une connaissance partielle de leur métier. « Nous sommes au carrefour de chacun des rôles, sans avoir de maîtrise des domaines spécifiques. Il faut les connaître un minimum pour pouvoir proposer des choses cohérentes, à un chef opérateur par exemple, ou défendre des idées. »

Cette compétence inhérente au métier d’assistant est fonction de sa mission au sein du projet global : faire avancer tout le monde. « Quand on est assistant réalisateur, on a sur les épaules la responsabilité de la gestion du temps qu’on va mettre pour tourner une scène. Et on est parfois seul à la porter. Connaître un minimum la compétence de chacun permet d’avoir un dialogue franc avec eux, d’avoir une écoute, de mieux pouvoir résoudre des problèmes et de se sentir plus sûr dans les décisions d’arbitrage que l’on prend. Pour défendre notre plan de travail auprès de la production, il faut savoir de quoi on parle. Mais c’est surtout l’expérience qui le permet. En restant modeste et en restant à sa place, il faut être au courant de tout ce qui concerne le tournage pour avoir une perception et des solutions au plus près. »

Si l’assistant insiste autant sur ce poids décisionnel, c’est qu’il sait pertinemment qu’« un mauvais arbitrage peut lui coûter très cher ». En somme, mieux vaut avoir un bon sens aiguisé pour pratiquer ce métier, tout comme un don pour les relations humaines. Ce sont ces qualités qui rejailliront sur le film.

Louise ALMÉRAS

 



Photographie de Une – Matthieu de la Mortière (DR)



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