Inspiré d’un fait réel, Midnight Runner nous plonge dans la vie d’un jeune sportif talentueux, rempli de pulsions de plus en plus violentes. Malgré une compréhension psychologique quelque peu réductrice, Hannes Baumgartner nous offre une œuvre d’une belle justesse. Le film sort cette semaine dans les salles.
Synopsis – Jonas Widmer est l’un des meilleurs coureurs de fond en Suisse. Sa grande ambition est de courir le marathon aux Jeux Olympiques. En parallèle, il est cuisinier et s’apprête à emménager avec sa petite amie, Simone. Mais cette vie bien normée, Jonas la conduit méticuleusement et au prix d’efforts surhumains pour ne pas céder aux pulsions meurtrières qui l’envahissent. Incapable d’exprimer sa souffrance émotionnelle, la vie de Jonas se transforme progressivement en un parcours d’endurance pour ne pas sombrer.
Le cinéma suisse nous offre depuis quelques années des films sobres et directs sur des faits réels, qui ont défrayé la chronique en Suisse. On se souvient notamment de Dora de Stina Werenfels, qui abordait en 2017 le sujet si controversé de la sexualité d’une personne handicapée, de la liberté de consentement à sa capacité d’être mère.
Midnight Runner prolonge le genre cinématographique, en le resserrant autour d’un seul protagoniste, qu’on ne perd jamais de vue, à savoir le héros lui-même. À la différence d’un psychisme immersif qui consisterait à nous faire entrer à l’intérieur de la tête du personnage, tel le vertigineux Taxi Driver de Martin Scorsese, Hannes Baumgartner reste prudemment à distance : le jeune réalisateur de trente-sept ans ne tente ainsi pas – nous lui en savons gré – de nous refourguer une interprétation univoque et circonscrite de son héros, même si la perte du frère, qui ouvre l’œuvre, tend hélas à enfermer Jonas dans une trop facile compréhension psychologique de ses actes.
Telle est peut-être la grande limite de ce film, à la différence d’autres œuvres… Nous pensons à des films tels que À perdre la raison, du Belge Joachim Lafosse, qui s’emparait avec une finesse étonnante de l’affaire Geneviève Lhermitte, cette mère de famille qui assassina brutalement ses enfants avant de tenter de se suicider. Dans le cas présent, Midnight Runner étant le premier film de Hannes Baumgartner, il s’agit d’une erreur de jeunesse probablement destinée à rassurer les spectateurs qui ne comprendraient pas pourquoi un jeune homme a priori « normal » et non dénué de talents, peut se laisser aller à une telle sauvagerie progressive. L’assertion selon laquelle « les plus grandes victimes sont les plus grands bourreaux » est d’une réalité certes éprouvée ; nous en avons tous fait l’expérience dans notre vie. Cependant, l’explication psychologique, qui se pare souvent d’une crédibilité quasi scientifique, est toujours la partie immergée d’un iceberg existentiel souvent incompréhensible, parce que non borné par notre seule intelligence humaine.
Le ton du film est néanmoins juste de bout en bout, servi par un Max Hubacher tout en rigueur, entre froideur et vulnérabilité, dans le rôle de Jonas. Le jeune acteur bernois confirme à son avantage le talent que nous avions pu déceler dans The Captain : l’usurpateur du réalisateur allemand Robert Schwentke (2017) et Mario du Suisse Marcel Gisler (2018).
Midnight Runner a ainsi la saveur des œuvres simples et tout en retenue, grâce à ce réalisme franc et paisible qui ne nous impose heureusement aucune émotion sur-affectée, artificielle. Plus qu’un premier film, Hannes Baumgartner nous livre une attrayante promesse cinématographique. Nous en attendons déjà l’accomplissement.
Hannes Baumgartner, Midnight Runner, Suisse, 2018, 92min
Sortie cinéma : 24 juin 2020
Genre : drame
Classification : tous publics
Avec Max Hubacher, Annina Euling, Sylvie Rohrer, Christophe Sermet, Saladin Dellers, Luna Wedler
Scénario : Stefan Staub, Hannes Baumgartner
Photographie : Gaëtan Varone
Son : Jean-Pierre Gertj
Montage : Christof Schertenleib
Producteurs : Stefan Eichenberger, Ivan Madeo
Production : Contrast Film Bern GmbH
Distribution : Tamasa Distribution
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