Choisir et agencer les plans d’un film, tout en dépend ou presque pour un résultat optimal de l’œuvre finale. C’est l’art du montage, le savoir le plus spécifique du cinéma. Entre intuition et savoir-faire, monter requiert aussi bien une aptitude à raconter l’histoire à partir d’une matière filmée qu’une capacité à choisir les plans adéquats.

FICHE-MÉTIER

Le montage reflète avant tout l’espace-temps propre à une œuvre filmique, qui la différencie du théâtre. Nous distinguerons le montage image de celui du montage son, non que les deux fonctions soient si dissociées, mais parce qu’il existe des experts dans chacun des domaines ; des exemples assez explicites dans l’histoire du cinéma justifient de les traiter séparément, afin de mieux dégager chacune de leurs spécificités. Il s’agit ici du montage de l’image, de la composition visuelle et du rythme des scènes. À Louis-Lumière, par exemple, le montage image fait partie de la formation cinéma et le montage son de la formation son. Mais un monteur peut tout à fait pratiquer les deux.

Définition

Le monteur travaille en post-production. À l’ère du numérique, il reçoit tous les rushes des films et choisit parmi les plans pour créer la mécanique la plus ajustée à l’histoire — sans sortir son scotch, comme à l’époque de la pellicule en 35mm ! Il donne le rythme, la justesse et la précision à l’histoire. Le réalisateur Patrice Leconte, dans L’Art du montage, explique à ce titre que « le vrai rythme d’une scène se trouve au montage », même s’il existe déjà « au niveau du scénario » et que « le tournage le modifie et le complète ».

Pour la monteuse de Jacques Audiard, Juliette Welfling, « le montage est l’écriture ultime du film, ce n’est rien d’autre que ça, la façon de raconter l’histoire ». Mais elle précise que les œuvres de certains réalisateurs ne nécessitent pas de réécriture au montage. C’est le cas pour Asghar Farhadi, avec qui le montage suit le sens du scénario, ou Michael Haneke, avec qui c’est « tourné monté » car « il sait exactement ce qu’il va faire ».

Orson Welles disait du montage qu’il est « essentiel pour le metteur en scène, parce que c’est le seul moment où il contrôle complètement la forme de son film ». Dans Lettres à un jeune monteur, Henri Colpi écrit par ailleurs : « Un film raté présente des déficiences de rythme. Un film bien mené est un film bien rythmé. […] Crescendo, decrescendo, le rythme cinématographique n’est pas loin du rythme musical. […] Construction et rythme sont donc les deux pendants de l’art du montage. »

Art de la composition et de l’assistance au réalisateur, le montage est donc une étape primordiale pour le film.

Qualités pour accéder à ce métier

Intuition, précision, autonomie sont les qualités nécessaires au moment proprement dit du montage. « Il faut avoir le goût du récit, de l’histoire, pour être capable à partir d’une matière fournie (parfois de nombreuses heures de rushs) d’embarquer le spectateur dans la découverte d’une problématique, grâce à la structure narrative, explique Anne-Marie Sangla, monteuse depuis plusieurs années, qui a notamment travaillé sur Human (2015) de Yann Arthus-Bertrand. Le travail de montage sur un documentaire, par exemple, nécessite de savoir inverser des séquences, de recréer la structure narrative si elle n’est pas pertinente. Ce travail existe aussi dans le long-métrage, à la différence que dans celui-ci on suit davantage la trame du scénario. Mais reste ensuite toute la gestion des silences, des temps de parole, des intentions. On peut ensuite faire des propositions qui n’étaient pas prévues dans le scénario. »

Pour cela, sans doute faut-il au préalable une bonne maîtrise des outils, « un minimum de méthodologie, de pratique, car c’est en faisant qu’on apprend », ajoute Amélie Massoutier. Mais la collaboration nécessaire avec le cinéaste suppose aussi de comprendre le point de vue et l’intuition de celui-ci, et donc d’être à l’écoute autant qu’être capable de proposition. C’est sur ce point qu’insiste Amélie Massoutier, pour qui il est important de « bien communiquer avec le réalisateur, afin de le rassurer, le soutenir, le guider et essayer de comprendre ce qu’il a en tête. Ce rapport-là varie selon les réalisateurs, certains sont très autonomes, d’autres ont besoin d’être conseillés, et cela suppose de savoir s’adapter. »

Cet aller-retour incessant – entre le réalisateur et le monteur – en étape de post-production appelle à faire une leurs deux visions du film. Ainsi le choix du monteur peut-il jouer dans l’intention voulue pour le film.  « Si un réalisateur fait appel à dix monteurs, il aura dix films différents, confirme Anne-Marie Sangla. Il faut créer un vrai tandem avec le réalisateur pour l’accompagner dans sa vision du film. » Pour Giulia Rodino, monteuse autodidacte pour la télévision et le cinéma, la curiosité participe de l’écoute nécessaire à la collaboration avec le réalisateur : le monteur « est là pour apporter un regard extérieur et critique mais bienveillant au service du projet que celui-ci a conçu, souvent depuis un bon bout de temps ».

Formations

Les meilleures formations pour devenir monteur sont évidemment les écoles de cinéma prestigieuses telles que La Fémis ou l’ENS Louis-Lumière. Viennent ensuite les BTS audiovisuel option montage (publics ou privés) ; nombre d’entre eux sont de qualité. Mais la spécificité de la corporation des monteurs est aussi d’être un métier de transmission. Ainsi l’une des formations les plus adaptées est-elle encore celle d’assister un monteur, en stage sur un tournage ou en post-production d’une société dédiée. L’apprentissage de l’utilisation des logiciels doit donc être couplé d’un savoir-faire narratif et visuel, qui passe en général par la pratique.

Écoles : La Fémis, l’ENS Louis-Lumière, BTS audiovisuel option montage

Débouchés

Le monteur image peut travailler sur des projets de documentaires, de téléfilms, de long-métrages, de court-métrages, mais aussi dans la publicité et l’univers des clips musicaux. En somme, tout support audiovisuel.

Perspectives d’avenir

Le parcours le plus courant est de commencer en tant qu’assistant monteur, avant de devenir chef monteur. Ensuite, dans le cinéma, il n’est pas rare d’avoir des collaborations pérennes entre un réalisateur et son monteur. Certains sont mêmes devenus des duos quasi inséparables, comme en attestent les témoignages du livre L’art du montage – Comment les cinéastes et les monteurs réécrivent le film. Mais en marge de cette singularité du métier, un bon monteur, s’il est reconnu par une société de production ou un réalisateur, trouvera toujours du travail. Par ailleurs, sur un projet, le temps de travail est assez long. Pour un film de cinéma, le montage peut durer plusieurs mois (six en moyenne), tandis que pour un reportage ou un téléfilm, un monteur doit pouvoir s’immerger dans sa mission pendant trois semaines ou un mois, si ce n’est plus. Étant indispensables à une œuvre audiovisuelle, de nombreux monteurs trouvent aisément du travail, surtout s’ils sont prêts à toucher à tous les supports.

Métiers liés

Monteur son, réalisateur, assistant réalisateur, étalonneur, chef monteur.

Salaires et conventions collectives

Embauchés en CDI ou en CDD (CDD d’usage dit « intermittent »), les monteurs dépendent de plusieurs secteurs d’activité et donc de différentes conventions collectives. Pour le secteur audiovisuel, le salaire hebdomadaire de 39h s’élève à 1331,49 € pour un chef monteur spécialisé, à 965,66 € pour un monteur et à 458,69 € pour un assistant monteur adjoint. Pour le secteur cinéma, le salaire minimum hebdomadaire s’élève à 1763,6 € pour un chef monteur, à 1062,80 € pour un premier assistant et à 508,69 € pour un second assistant. Pour le secteur prestation, le salaire journalier est de 254,40 € pour un monteur truquiste, 227,14 € pour un chef monteur, 214,59 € pour un monteur et 108,93 € pour un assistant monteur.

Les conseils d’un professionnel

Anne-Marie Sangla

Anne-Marie Sangla (crédits : Léo Leclerc)

Anne-Marie Sangla (crédits : Léo Leclerc)

« Le plus difficile aujourd’hui est qu’il n’est plus tellement possible d’avoir un budget pour un assistant monteur, et donc l’opportunité d’être formé, accompagné et lancé par cette formation au plus près qui permet d’intégrer le métier. Le mieux est de passer par une école, si possible les plus prestigieuses. La voie des BTS est aussi une bonne formation, ils ont tous leurs spécificités et ont l’avantage d’obliger à faire des stages. Ces derniers sont les meilleurs moyens de se confronter à la réalité du métier, de rencontrer des professionnels et de se créer un réseau. Certains arrivent encore à commencer comme petite main sur un tournage et à se faire une place. »

Témoignages

Amélie Massoutier

Amélie Massoutier (DR)

Amélie Massoutier (DR)

« J’ai eu un BTS audiovisuel option montage à Toulouse, dans le public. Ensuite, j’ai trouvé un poste permanent à Paris dans une société de production de clips, de publicités et de court-métrages, dans laquelle je suis restée deux ans. De nombreux monteurs renommés travaillent dans ce milieu. J’ai ainsi pu rencontrer la monteuse Catherine Renault (Tatie Danielle, Trois hommes et un couffin) et lui ai demandé si je pouvais assister au travail sur un long-métrage. J’ai donc été sa stagiaire en tant que deuxième assistante monteuse, le temps d’un film (Agathe Cléry), sur support bobine de 35 mm et numérique. Après un second stage, j’ai fait des remplacements dans le cinéma, pour enfin devenir première assistante monteuse. Passer le cap de devenir chef monteur n’est pas évident, j’ai eu beaucoup de chance dans mon parcours. Je le dois aussi aux chefs qui m’ont offert des opportunités, même si j’ai vraiment débuté le montage sur des projets bénévoles, avant de passer au documentaire, au téléfilm, à la série télé puis aux long-métrages. Il n’y a donc pas de chemin tout tracé. Pour ma part, mon BTS m’a simplement appris à utiliser les logiciels ; j’ai dû acquérir le reste par moi-même, en découvrant toute la post-production d’un film. Le plus dur est d’arriver à démarcher quand on se lance, à ne pas hésiter à montrer sa forte motivation aux productions souvent frileuses face à des débutants. »

Anne-Marie Sangla

« J’ai d’abord eu une maîtrise à la faculté d’audiovisuel de Saint-Denis, qui était une formation assez complète, entre informatique et audiovisuel. J’ai ensuite fait un stage dans une société qui produisait des films d’entreprise, dans laquelle j’ai été embauchée l’année suivante. Après, j’ai travaillé au Forum des Images de Paris, au moment où la ville avait pour mission de suivre tous les grands chantiers. J’ai monté en autonomie tous les sujets à partir des images des chefs opérateur. J’ai eu la chance d’être accompagnée par Alain Esmery, qui a un œil très aiguisé et pertinent sur le montage, mais surtout de commencer à travailler par moi-même, sans passer par l’assistanat, comme ça se fait beaucoup dans le métier. Mon apprentissage s’est fait sur le tas, avec plusieurs fonctions dans la post-production, tout en continuant à faire du montage pour le Forum des Images. Sachant que j’ai également réalisé des films d’entreprise, j’ai une vision globale de toute la chaîne. Aujourd’hui, je pratique essentiellement le montage de documentaire, car c’est ce qui me passionne, et j’en réalise également quelques-uns, notamment un sur un foyer à caractère social. »

Giulia Rodino

Giulia Rodino (DR)

Giulia Rodino (DR)

« Je suis devenue monteuse en autodidacte après des études d’histoire et ai infiltré une boîte de production en suivant quatre montages entiers derrière le monteur, qui m’a petit à petit demandé de rentrer des rushes, des musiques, de chercher/trier des archives… J’ai pu aller à l’agence le week-end pour m’entraîner sur le logiciel de montage et sur les sujets du monteur. Ce qui est une belle opportunité. J’ai ensuite écrit de nombreuses lettres aux monteurs de fiction cinéma avec lesquels je voulais travailler et ai eu la chance d’être prise comme assistante monteuse long-métrage, pendant sept ou huit ans. Aujourd’hui, je garde un pied dans la fiction en montant des courts et moyens métrages et je travaille comme monteuse pour deux émissions sur Arte et Tf1. »

Pour aller plus loin…
– N. T. Binh et Frédéric Sojcher, L’art du montage – Comment les cinéastes et les monteurs réécrivent le film, Les Impressions nouvelles, 2017, 17 €
– Jean-Pierre Masse, Werner Nold : cinéaste-monteur, 2003 (documentaire).
– Les Monteurs associés : site internet.

Louise ALMÉRAS

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