Dans un univers à la Jack London, mêlant la frénétique ruée vers l’or et les interminables contrées gelées, Dominique Monféry nous propose une épopée narrative et graphique proche du cinéma. Mais c’est pourtant bien de bande dessinée qu’il s’agit.
La couverture, le résumé, tout convoque d’emblée l’enfer gelé du grand Nord, Jack London, l’impitoyable nature et les loups qui patiemment rôdent dans l’ombre de grands conifères… Et puis on découvre cette phrase, inscrite par l’auteur ou l’éditeur au dos, comme une évidence : « Lorsque l’imprévu arrive et qu’il amène de graves conséquences, les plus faibles succombent. » L’auteur ? Jack London.
Le scénario est relativement simple : une femme fuit son mari brutal et gagne le nouveau continent où elle rencontre un homme. Tous deux partent en Alaska, à l’occasion de la fameuse ruée vers l’or du Klondike, dont Jack London s’inspira pour ses célèbres romans L’Appel de la forêt et Croc-Blanc, ruée qui suscita l’imaginaire de Jules Verne, de Charlie Chaplin ou encore du dessinateur Morris pour une aventure de son héros Lucky Luke. Reste à citer une dernière référence, et non des moindres : le jeune Balthasar Picsou aurait fondé sa fortune sur les rives du Klondike.
La convocation de toutes ces références résume certes le paysage artistique né de cet événement historique, à la toute fin du XIXe siècle. Elle explique surtout le choix de Dominique Monféry de s’y intéresser à son tour. Le bédéaste français, connu essentiellement comme réalisateur, storyboarder et superviseur d’animation, a participé comme animateur au film La Bande à Picsou et comme scénariste à l’adaptation en film d’animation de Croc-Blanc. Tout s’explique !
Mortel imprévu relate la quête de l’or, la trahison d’un camarade et le dangereux périple du couple – largement dominé par la femme, Édith, son héroïne – à travers les plaines implacables de ces contrées sauvages. En dehors des courtes scènes de bonheur, dominées par le jaune et le vert, et celles du carnage, envahies par le rouge, la bande dessinée tient tout entière dans des tonalités bleutées et ocres, que l’on prête naturellement à la grande Terre aléoute. Il n’y a qu’à penser à The Revenant d’Alejandro González Iñárritu, pour ne prendre qu’un exemple récent.
Il y a évidemment quelque chose de très cinématographique dans la construction du chemin de fer, du découpage par page : on y voit les valeurs de plan, les focales, voire certains mouvements de caméra et leur durée.
Ce n’est cependant pas un storyboard mais bien une bande dessinée que nous lisons, Dominique Monféry s’amusant des possibilités que lui laisse la page blanche. L’ensemble, publié aux éditions Rue de Sèvres, forme une belle aventure narrative et graphique, certes sans grande surprise, mais non sans la poésie des grands froids.
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Dominique Monféry, Mortel imprévu, Éd. Rue de Sèvres, 2022, 96 p., 19 €
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