Le code général des impôts a ses propres critères pour déterminer ce qu’est une œuvre d’art en matière de photographie. Quel est l’intérêt et comment cela fonctionne-t-il ?
Dans le cadre de l’émission « Parole à l’œuvre», Pierre Gelin-Monastier recevait Viviane Esders. Ils évoquaient ensemble les 30 premiers tirages d’une photo comme œuvre d’art. Ma curiosité a été piquée et je vous propose de revenir sur cette notion.
Bien sûr, toute photographie peut être considérée comme œuvre d’art. Il n’y a rien de plus subjectif que l’appréciation du spectateur envers l’image fixée. Il sera sensible à l’objet photographié, à la technique employée, à l’angle de vue, la lumière, la construction globale ou que sais-je encore.
Autant vous dire que les services fiscaux ont d’autres méthodes pour déterminer ce qu’est une œuvre d’art. L’article 98 A de l’annexe 3 du Code général des impôts (CGI) explique quelles photographies peuvent être considérées comme œuvre d’art. Plusieurs conditions sont à réunir. Il faut que la photographie prise par l’artiste soit tirée par lui ou tirée sous son contrôle. Elle doit être signée par lui. Et elle doit être numérotée dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus.
Un mot en passant sur le certificat d’authenticité : c’est une pratique et non une obligation légale. Nous resterons donc sur les seules obligations légales.
Voici donc un photographe qui vend les trente premiers tirages de sa photo. Conséquence pour lui, sauf s’il bénéficie de la franchise en base de TVA, il applique un taux réduit de 5,5 %, ce qui lui permet de reverser moins à l’État (article 278-0 bis du CGI). Quelles conséquences pour l’acquéreur ? S’il s’agit d’une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, elle peut déduire le prix d’acquisition de son résultat imposable. Évidemment, ça ne marche pas pour les négociants, galeries d’art ou toute entreprise intervenant dans les transactions d’œuvres d’art. Attention : l’entreprise doit exposer ou faire exposer l’œuvre pendant au moins cinq ans. L’œuvre ne peut pas finir dans les salles de réunion, sauf à perdre le bénéfice de la déduction fiscale. S’il s’agit d’un particulier, autant vous dire que seuls les plus aisés en tireront fiscalement un profit puisque l’œuvre sera exclue de l’assiette de calcul de l’impôt sur la fortune immobilière. Pour les autres particuliers, qui ne payent pas l’impôt sur la fortune immobilière, pas de conséquence fiscale.
Maintenant, est-ce que le dépassement des trente exemplaires va avoir des conséquences ? Pour l’auteur, une conséquence certaine, toujours sauf franchise en base de TVA, est qu’il ne peut plus vendre avec un taux réduit de TVA et qu’il devra donc appliquer le taux de 20 %. Pour l’acquéreur, la conséquence risque d’être dans la valeur marchande de l’œuvre. S’il possède un des seuls trente tirages existants de la photo, ce tirage a plus de valeur que s’il existe mille tirages de la photo par ailleurs. Bien sûr, il conserve plus de valeur que les tirages suivants non numérotés ou numérotés après trente. C’est donc au photographe de se poser la question de la valeur marchande de sa photo par rapport au nombre de tirages qu’il en fait. Ce qui jouera également sur sa réputation et le prix de ses prochaines œuvres d’art.
Avocat au Barreau de Nantes
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