La SACD a signé un accord protecteur en faveur des auteurs de podcasts alors que le Paris Podcast Festival ouvre bientôt ses portes… Voyage dans un univers créatif mais fragile où les auteurs ont du mal à survivre.
Ceux qui ont déjà goûté aux délices de « l’audio numérique » ont bien l’intention d’en écouter de plus en plus, à raison de 10 à 15 mn à chaque écoute ! Ils sont, disent-ils, « accros » : c’est devenu « une habitude ». Plus que nous, les Allemands, les Anglais et les Italiens en raffolent… Mais la pratique s’ancre aussi chez les Français. Selon un récent sondage d’Havas, 33 % de notre population urbaine a écouté régulièrement des podcasts en 2021, contre seulement 22 % il y a deux ans. Une hausse de 45 % chez les moins de 35 ans et presqu’autant dans les familles avec enfants.
Jeunes, urbains, parents, hyper connectés et plutôt CSP+, ces auditeurs estiment que « le podcast est un moyen de se recentrer sur soi-même » même si à contrario, ils font deux choses en même temps : du shopping, de la conduite, du sport et même, de plus en plus, de la cuisine ou du ménage. Mais les plus nombreux sont encore ceux qui, casque sur les oreilles, se reposent et s’endorment ! L’« audio à la demande », aussi dénommé podcast (de l’anglais Ipod) ou « balado » chez nos cousins du Québec, est une source de bien-être. Raconte-moi une histoire et dessine-moi un mouton !
Mais les auteurs qui sont à l’origine de cette écoute jouissive et méditative, sont-ils pour autant à la fête ? « Leurs revenus ne sont pas du tout proportionnels au succès du podcast », regrette Hubert Tilliet, chef du service juridique de la SACD, l’organisme qui collecte et redistribue les droits pour le compte des auteurs de fiction et d’humour. Pour comprendre, il faut se pencher sur l’écosystème du « podcast natif ». Alors que certains contenus sont d’abord produits pour une écoute radio, puis mis en ligne pour une seconde diffusion sur le site des antennes, d’autres contenus dits « natifs » sont, quant à eux, directement conçus et produits pour une diffusion sur le web. C’est là que tout se complique…
Car s’il existe déjà un cadre économique, juridique et règlementaire chez les opérateurs historiques comme Arte Radio, Radio France et les périphériques, on est moins structuré et transparent du côté des nouveaux venus du podcast natif : Babadam, Nouvelles Écoutes, Louïe Media et Binge Audio. Certains auteurs racontent que la rémunération s’y joue au cas par cas, dans l’opacité. Le temps de conception et de développement y est rarement rémunéré. Dans une Lettre Astérisque de la SCAM, la journaliste Isabelle Duriez évoque même « des studios connus pour maltraiter leurs auteurs ».
Selon qu’ils écrivent pour le réel (journalistes, documentaristes) ou la fiction (humour, récits dramatiques), les auteurs de podcasts sont payés tantôt en droits d’auteurs (sans couverture sociale), tantôt en auto-entrepreneurs (couverture sociale à leur charge), tantôt « à la pige » (salariés), voire au cachet (en intermittents). « Il faut faire très attention au paiement forfaitaire à la commande avec une clause de renoncement à tout intéressement au succès de l’œuvre, avertit Hubert Tilliet. C’est illégal ! Un auteur est obligatoirement intéressé au succès de son œuvre. »
Il y a cependant de bonnes nouvelles. Des contrats types « podcast » sont désormais disponibles dans les sociétés d’auteurs. Le secteur se structure et les nouvelles plates-formes se mettent au diapason en matière de droits de diffusion. En juin dernier, la SACD, qui représente 60 000 auteurs, a signé un accord cadre avec le Geste (140 éditeurs de contenus et services en ligne) pour que les auteurs soient associés au succès de leurs œuvres et rémunérés à la hauteur de leurs écoutes. La négociation a duré des mois !
La redevance annuelle négociée représente 1,5 à 4,5 % des recettes publicitaires et recettes d‘abonnement des éditeurs. Elle sera ventilée, en fonction de leurs écoutes, sur les auteurs de podcasts qui ont déclaré leurs œuvres à la SACD. Car seuls les auteurs qui déclarent leurs œuvres auprès des sociétés d’auteurs et qui en deviennent les adhérents, bénéficient de droits de diffusion. Pour pouvoir toucher, il faut d’abord se manifester !
Ce revenu, qui vient s’ajouter à la rémunération initiale des auteurs, sera-t-il important ? « L’accord est encore trop récent pour qu’on ait une idée de ce que ça représente pour les auteurs », explique Hubert Tilliet de la SACD. Le chef du service juridique de la plus ancienne société d’auteurs, créée en 1777 par Beaumarchais, rappelle que cet accord est une victoire sur le droit inaliénable des auteurs de podcasts sur leurs œuvres. Des accords similaires avaient déjà été conclus par la SCAM (auteurs de reportages et documentaires) et par la SACEM (pour les auteurs compositeurs de musique).
Les efforts de la SACD portent maintenant sur une troisième catégorie de diffuseurs de podcasts qui promet d’être très lucrative : Acast, Apple, Deezer et Spotify. Avec eux, la négociation pourrait durer des années. Mais le jeu en vaut la chandelle. « Leurs revenus sont plus élevés que ceux des éditeurs. » Pour l’instant, ces plates-formes d’hébergement et d’écoute en ligne diffusent des contenus podcasts sans aucune contrepartie pour les auteurs. Gratuitement… et massivement !
Fin octobre, parce qu’il faut absolument connaître ceux qui écrivent cette histoire, le chemin de vos écouteurs passera par la Gaité Lyrique. Dans le temple des arts numériques et des musiques actuelles, le Paris Podcast Festival accueille trois jours de fête faite à l’oreille… Enregistrements en direct, sessions d’écoute en avant-première, master-class, journées professionnelles, une compétition et des rencontres de visu, histoire de mettre des visages sur les voix. Culture sonore contre culture de l’image ! Les auteurs, auditeurs et éditeurs de podcasts annoncent la couleur : voici venu le temps de célébrer les puissances de la douceur !
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© Julie Sebadelha / Paris Podcast Festival
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