La reine Elizabeth II est morte hier soir, à 96 ans, après 70 ans de règne. Sa vie a beaucoup fasciné et inspiré, notamment les cinéastes qui ont tenté de retranscrire sa longue et bouillonnante biographie sur écran, à coup de films, de séries et de documentaires. Hommage.

Elizabeth II accède au trône britannique à la mort de son père, le roi George VI, le 6 février 1952, à l’âge de vingt-cinq ans. Soixante-dix ans ont passé, la reine a veillé sur le trôle : God Save the Queens, l’hymne britannique, n’en finissait plus de retentir, à la vie comme à l’écran, jusqu’à hier soir.

Née le 21 avril 1926, soit la même année que le premier film d’Alfred Hitchckock, Le Jardin des plaisirs, que l’une des plus célèbres œuvres de Douglas Fairbanks, Le Pirate noir, et surtout que l’incontournable Mécano de la Générale de Buster Keaton, Elizabeth II est la contemporaine de l’actrice Marilyn Monroe, des réalisateurs Georges Lautner et Andrzej Wajda ou encore des acteurs Mel Brooks, Harry Dean Stanton et Klaus Kinski – tous nés la même année.

Elle assiste, avec ses yeux d’enfant, au passage du cinéma muet au cinéma parlant, le premier film – Le Chanteur de jazz, d’Alan Croslandparlant datant d’octobre 1927, un an et demi après sa naissance. Cela nous a donné envie de nous pencher sur les rapports d’Elizabeth II avec le cinéma, elle qui a été contemporaine de presque toute l’histoire du 7e art. C’est notre hommage.

Elizabeth II incarnée à l’écran

Commençons par citer l’évidence : la récente série The Crown, créée par Peter Morgan. Outre son aspect historique attrayant, le succès de cette série repose, entre autres, sur les performances impeccables des actrices interprétant Elizabeth II au fil des années : Claire Foy, dans les saisons 1 et 2, performance qui lui vaut le Golden Globe de la meilleure actrice en 2017, puis l’incroyable Olivia Colman dans les saisons suivantes. Avec cette série, Peter Morgan ne se contente pas de porter à l’écran la jeunesse de la reine, mais étend sa narration sur plus de cinquante ans, de son mariage avec le prince Philip en 1947 jusqu’à la mort de Diana Spencer en 1997.

Il faut dire que Peter Morgan est un spécialiste du sujet puisque, en 2006 déjà, il écrit le scénario de The Queen, réalisé par Stephen Frears, qui se focalise sur la manière dont la famille royale, et en particulier Elizabeth II, gère le tragique décès de la Lady Di. Les critiques sacralisent la performance tout en nuances d’Helen Mirren qui reçoit, aux Golden Globes 2007, deux prix de la meilleure actrice : l’un pour The Queen et l’autre pour une mini-série dans laquelle elle incarne… Elizabeth Ire.

Quoi d’autre ?

On peut croiser une toute jeune Elizabeth, incarnée par Freya Wilson, dans le film biographique sur son père, Georges VI, Le Discours d’un roi, réalisé par Tom Hooper. La fabuleuse Emma Thompson a, elle aussi, prêté ses traits à Elizabeth, dans l’épisode 8 de la série Playhouse Presents, fondé sur un événement réel datant de 1982, lorsqu’un étranger schizophrène s’introduit dans la chambre de la reine.

Dans un registre plus léger, l’actrice Jeannette Charles a de nombreuses fois incarné Elizabeth II, du fait de sa forte ressemblance avec la reine, dans des comédies comme Queen KongY a-t-il un flic pour sauver la reine ? et Austin Powers ; et dans un registre encore plus léger, nous pouvons citer le film d’animation Royal Corgi, qui se concentre sur le chien favori et emblématique de la reine, doublée par la géniale Julie Walters.

Les films favoris de la reine

Si la reine admet s’ennuyer à l’opéra et au théâtre, elle apprécie en revanche beaucoup « voir un bon film », selon une source proche. En 2020, elle prête même l’un de ses palais les plus prestigieux, la résidence royale de Sandringham, pour en faire un cinéma en plein air, ouvert au public.

Parmi ses films favoris, il y a Le docteur Jivago de David Lean (1965) et Les Chariots de feu de Hugh Hudson (1981). Mais selon l’acteur Brian Blessed, anobli par la reine en 2016, son film préféré serait l’opéra spatial Flash Gordon, réalisé par Mike Hodges en 1980. Lors de la cérémonie, la reine aurait confié à l’acteur qui en joue le rôle principal : « Vous savez, nous regardons Flash Gordon tout le temps, à chaque Noël, en compagnie de mes petits-enfants. »

Mais que pense-t-elle des films qui parlent d’elle ?

Si Elizabeth II admet avoir été très émue par Le Discours d’un Roi, sur l’histoire de son père, et séduite par la série The Crown, bien qu’un peu trop dramatisée à son goût, elle n’a en revanche pas du tout apprécié le documentaire Royal Family de Richard Cawston. Il s’agit à l’origine d’une commande de la reine elle-même, en l’honneur de l’investiture de son fils Charles en tant que prince de Galles. Diffusé pour la première fois en 1969, le film retrace une année de la vie de la reine. Celle-ci ne l’apprécie pas du tout et décide d’interdire sa diffusion dans les années 1970, jugeant le documentaire « trop intimiste, trop personnel, proche du manque de respect ». David Attenborough, à l’époque contrôleur de la BBC, explique alors au réalisateur que son film risque de « tuer la monarchie ». « Toute l’institution dépend de la mystique et du chef tribal dans sa hutte, analyse-t-il. Si un membre de la tribu voit à l’intérieur de la hutte, alors tout le système de la chefferie tribale est endommagé. Et la tribu finit par se désintégrer. »

Hormis une fuite en 2021, année où le film réapparaît brièvement sur l’internet, Royal Family n’est plus visionnable depuis 1977. Mais la série The Crown y a consacré un épisode entier, montrant la conception, le tournage et la diffusion du documentaire.

Ennoblissement du cinéma

Tout au long de sa vie, Elizabeth II a anobli de nombreuses personnalités du monde artistique, a fortiori du cinéma. Il convient de noter que le choix ne revient pas directement à la reine, mais à un office spécialisé au nom prestigieux : le Bureau des Honneurs du Royaume-Uni. La liste finale est en revanche bien promulguée par la cheffe d’État britannique, deux fois par an, en janvier et en juin.

Les acteurs incarnant James Bond ont souvent été mis à l’honneur, passant du statut d’agent secret à celui de « Sir » : c’est le cas de Sean Connery en 2000, ainsi que de Roger Moore et Pierce Brosnan en 2003. Ils ont néanmoins tous été précédés par Judi Dench, l’inoubliable M dans sept films de la franchise (1995-2012), anoblie dès 1988.

Les acteurs du Discours d’un Roi ont également été anoblis par la reine : Colin Firth, qui incarne George VI, en 2011, et Helena Bonham Carter, qui non seulement joue sa femme, Elizabeth Bowes-Lyon (la mère d’Elizabeth II, par conséquent), mais également la sœur cadette de l’actuelle reine dans les saisons 3 et 4 de The Crown, en 2012.

Il est bon d’incarner la reine à l’écran. Ainsi Helen Mirren, qui l’incarne dans The Queen (voir plus haut), est-elle anoblie en 2003, soit… trois ans avant le film de Stephen Frears ! Ce n’est cependant pas le cas d’Emma Thompson qui reçoit les honneurs de la Couronne en 2018, six ans après avoir prêté ses traits à la reine dans l’épisode 8 de la série Playhouse Presents.

Mais faut-il incarner la famille royale ou être au service de sa Majesté pour recevoir de nobles honneurs ? Évidemment non ! Parmi la longue liste des anoblis, au fil des nombreuses années, nous pouvons citer Alec Guiness (1959), Margaret Rutherford (1967), Sidney Poitier (1974), Alfred Hitchcock (1980), David Lean (1984), Anthony Hopkins (1993), Diana Rigg (1994), Ian Holm (1998), Elizabeth Taylor (1999), Julie Andrews (1999), Michael Caine (2000), Ridley Scott (2003), Christopher Lee (2009), Kenneth Branagh (2012), Angela Lansbury (2014), Kristin Scott Thomas (2015), Olivia de Havilland (2017, à… 101 ans !), Sam Mendes (2019)…

Cette liste déjà prestigieuse n’a ainsi cessé de s’allonger tout au long du règne de l’inépuisable Elizabeth II, mais cette fois-ci, le rideau est définitivement tombé. Il appartient au nouveau roi Charles III de prendre désormais le relais.

Maïlys GELIN

.