Il était jusqu’ici le plus vieil acteur vivant : Norman Lloyd est mort le 11 mai dernier, à l’âge de 106 ans (1914-2021). Révélé par Alfred Hitchcock, Norman Lloyd n’a pas cessé de jouer au cinéma jusqu’à l’âge de cent ans, dans Crazy Amy de Judd Apatow en 2015.

S’il a surtout marqué les esprits dans des rôles secondaires, son parcours n’en reste pas moins extraordinaire.

Retour sur la longue vie et carrière de l’acteur américain en quatre petites anecdotes cinématographiques.

1/ Une longue amitié avec Alfred Hitchcock

Après un début de carrière au théâtre, notamment dans Jules César, mis en scène par Orson Wells en 1937, Norman Lloyd rencontre Alfred Hitchcock et obtient son premier rôle au cinéma, celui de l’insaisissable Fry dans Cinquième Colonne, en 1942.

Malgré le peu d’apparitions de son personnage, Lloyd est rentré dans la légende du 7e art grâce à la célèbre séquence climax du film : Fry est suspendu à la statue de la Liberté avant de lâcher prise. Pour les besoins de cette séquence, la main, la torche et le balcon de la statue ont été reconstruits à l’échelle. Lloyd se dit fier d’avoir réalisé lui-même le salto arrière par-dessus la balustrade : « Quand vous avez vingt-six ans, vous pouvez tout faire ! »

Norman Lloyd tourne à nouveau pour Hitchcock en 1945 dans La Maison du Docteur Edwardes.

Une dizaine d’années plus tard, alors que Norman Lloyd figure sur la liste noire d’Hollywood pour soupçon de sympathie avec le parti communiste américain, Hitchcock le choisit pour réaliser dix-neuf épisodes de la série télévisée Alfred Hitchcock présente.

2/ La rencontre avec Charlie Chaplin

Norman Lloyd est un passionné de tennis. C’est sur un court de tennis qu’il fait une rencontre inoubliable aux débuts des années 1940, avec Charlie Chaplin, l’un des héros de son enfance.

Lorsque l’on demande à Norman Lloyd si Chaplin était un bon joueur, il plaisante : « Oui. Mais il avait un sérieux handicap. Il ne voulait pas porter ses lunettes en jouant. Donc il ne prenait pas le peine de courir jusqu’au filet. »

En 1952, Charlie Chaplin lui propose un rôle dans son film Les feux de la rampe. Lloyd accepte immédiatement : « Je crois que Charlie Chaplin est un génie. La création de son personnage de ‘‘Charlot’’ est l’une des plus grandes créations de l’histoire dramatique, dans la façon dont elle englobe toute l’humanité. Et puis, quand vous regardez le casting du film… Mon dieu ! Chaplin et Keaton réunit dans le même film. On ne peut pas rêver mieux dans ce business ! »

3/ Le Cercle des poètes disparus

À l’âge de soixante-quinze ans, Norman Lloyd endosse le rôle de M. Nolan, le redoutable directeur d’une école préparatoire réservée aux garçons dans Le Cercle des poètes disparus.

D’abord réticent à l’idée de passer le casting, il propose au réalisateur, Peter Weir, un match de tennis. Après un triomphe écrasant de Lloyd, qui le met de bonne humeur, il finit par accepter la proposition !

Il admet par la suite que Peter Weir est l’un des réalisateurs les plus intéressants avec lesquels il a eu l’occasion de travailler : « Il remplit les deux choses qu’un acteur attend d’un réalisateur : un intérêt constant pour sa performance et une préservation de son ego. Il a permis à tous ses acteurs, jeunes et moins jeunes, de faire des propositions et d’improviser autour des personnages. J’ai pris un immense plaisir à être odieux avec mes élèves ! »

4/ Norman Lloyd, un homme coriace !

Norman Lloyd est contacté pour faire une apparition en tant qu’invité vedette dans l’épisode pilote de la série Hôpital St. Elsewhere, diffusée sur la télévision américaine entre 1982 et 1988. Il incarne le Dr. David Auschlander, atteint d’un cancer, qui doit mourir très rapidement au début de la série.

Impressionnés par la qualité de son jeu et la dimension comique qu’il a su y apporter, les scénaristes décident de ne pas le tuer aussi vite. Finalement, Norman Lloyd devient un habitué de la série et restera… jusqu’à la fin !

Une vitalité annoncée dès le premier épisode, lorsqu’il choisit de prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur de l’hôpital pour « garder la forme ».  Un autre docteur regarde son collègue avec nostalgie avant de répondre : « Le connaissant, il nous survivra probablement tous. »

Il ne croyait pas si bien dire…

Maïlys GELIN