Créer, imaginer, écrire des personnages, des dialogues, des histoires, voilà comment nous pourrions résumer l’univers d’un scénariste et son talent. Il est à la fois maître de l’écriture et de la dramaturgie propre au cinéma, et capable de penser l’image.
Écrire pour l’image, c’est le travail du scénariste. La première étape d’un film en somme. Dit ainsi, cela peut paraître simple puisque tout le monde sait écrire et voir — au moins en pensée. Mais c’est pourtant l’une des étapes les plus ardues d’un film. Et si le métier peut faire rêver, il n’est pas à la portée de tous. Ainsi, Sydney Pollack disait : « Il n’y a pas l’ombre d’un doute qu’un bon scénario est absolument essentiel, peut-être même l’essentiel pour un film. » Et Frank Capra : « L’écriture du scénario est la partie la plus difficile, la moins comprise et la moins remarquée. » Une fois cela compris, nous pouvons prendre conscience de l’ampleur de ce métier. Il existe quelques formations prestigieuses et difficiles d’accès en France pour s’y former, mais il est tout à fait possible de le pratiquer sans avoir suivi la voie royale.
Définition
Le métier de scénariste nécessite d’avoir le sens de l’écriture et du travail en équipe, du cinéma aussi, ou en tout cas de la scénarisation. Car si le scénariste est autant auteur qu’un écrivain, écrire pour un objet filmé exige des compétences spécifiques, de la même manière qu’un scénario n’a pas la même destinée qu’un livre : il n’a pas vocation à être publié mais à être mis en image. Travail de composition comme de patience, écrire un film est un travail au long cours dont il faut connaître le côté astreignant, la part d’abnégation et le savoir-faire technique. Généralement, le scénariste travaille pour un réalisateur ou une production, qui lui passe commande. Il peut également écrire en collaboration avec un autre scénariste, ou bien encore être le cinéaste lui-même.
Qualités pour accéder à ce métier
Guillaume Laurant, scénariste multi-récompensé pour Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001), a plus récemment permis au réalisateur de J’ai perdu mon corps d’obtenir le César du meilleur film d’animation, dont il a adapté le scénario à partir de son propre livre. Selon lui, « pour être scénariste, il faut aimer inventer et raconter des histoires. Savoir les raconter s’apprend, mais je ne crois pas qu’il y ait une formation meilleure qu’une autre ; les bases à connaître, on les connaît souvent instinctivement car elles sont utilisées depuis la Grèce antique. Il faut se faire confiance et raconter des histoires sous toutes les formes possibles (courts-métrages, nouvelles, etc.), plutôt que d’accumuler trop de connaissances techniques et théoriques. Le danger est en effet de trop se regarder écrire et de devenir davantage un théoricien de l’écriture que quelqu’un qui écrit. C’est une ornière dont certains ont du mal à s’extraire par la suite. »
Anaïs Deban est une jeune scénariste, qui s’est véritablement lancée après avoir participé au scénario du film multi-récompensé Guy, d’Alex Lutz, sorti en 2018 et nominé au César 2019 du meilleur scénario original. Elle aussi partage cette nécessité d’oser écrire et de faire, plutôt que de penser. « J’ai connu trop d’autrices et auteurs se concentrer plusieurs années sur un court-métrage qui leur tenait à cœur tout en faisant des petits boulots à côté pour vivre. Parfois ça paye, ce court-métrage déclenchera d’autres choses, mais c’est un pari risqué et souvent on reste dans l’entre-deux. Pour ça, il faut arrêter de sacraliser le moment de l’écriture. J’ai mis du temps à m’y mettre parce que le fantasme de l’artiste maudit, qui écrit ses tripes jour et nuit solennellement en fumant des clopes, me complexait. »
Ensuite, une part non négligeable échoit à la curiosité, mère de l’inspiration et des idées. « Pour écrire, il faut avoir le désir de raconter des histoires, rappelle tout simplement Guillaume Laurent. Mais le carburant de ce moteur est, je crois, la curiosité. Il faut être curieux de tout, des autres, de ce qu’on lit, de ce que l’on voit, des gens qu’on croise, de leur manière de parler, de bouger, et ça non plus, ce n’est pas quelque chose qui s’apprend. » Anaïs Deban affirme d’ailleurs que « le bon scénariste est celui qui a un sens de l’observation aigu », « parce que ce sont toujours les écritures naturalistes qui me touchent, celles qui rendent compte des gens ».
Le dernier mot après l’audace a trait à l’abandon, car être scénariste n’est pas le métier le plus sécurisant du monde. Et le dernier conseil qu’elle donne est « d’accepter un certain mode de vie, d’être confiant et ne pas être paralysé par le manque de visibilité et oser se lancer ». Enfin, « le mieux est d’avoir plusieurs chantiers, d’être prolifique. Pour vivre du métier de scénariste, au début du moins, il faut être en mesure de mener plusieurs projets de front. »
Formations
La formation de La Femis est considérée comme l’une des voies royales pour se former au métier de scénariste avec le Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle (CEEA). Les deux parcours sont accessibles par voie de concours. Il existe également de nombreux ateliers de formation à l’écriture de scénario, du court-métrage au documentaire, en passant par le long-métrage et les séries. Mais il est possible de débuter dans le métier sans diplôme spécifique. Travail, passion, talent sont parfois les meilleurs outils pour se lancer.
Écoles : CEEA, La Fémis, Ina’ Sup (scénariste de télévision), Master 2 Cinéma et Audiovisuel, parcours scénario à Paris I Sorbonne…
Débouchés
Le scénariste peut écrire des documentaires, des long-métrages, des téléfilms, des séries, des publicités ou encore des émissions, telles que des fictions ou des documentaires sonores par exemple, pour la radio.
Perspectives d’avenir
Co-scénariste, réalisateur, consultant en écriture de scénario, dramaturge, écrivain.
Métiers liés
Écrivain, réalisateur, auteur de bande dessinée.
Salaires
Il est très difficile de donner un chiffre réaliste et global pour la rémunération des scénaristes. En effet, si les chiffres officiels évoquent a minima 20 000 € pour un scénariste débutant sur un long-métrage, la réalité est souvent tout autre. En amont du tournage, il est rare que le scénariste soit correctement rémunéré ; il doit souvent attendre le début du tournage, voire celui de la post-production. Cependant, il existe généralement une obligation dans le contrat de rémunérer selon un pourcentage du budget total du film, lorsque l’option n’est pas un chiffre arrêté entre la production et le scénariste. Il peut également exister un paiement échelonné entre les différentes étapes d’écriture (synopsis, traitement, différentes versions du scénario). Comme il n’existe pas de convention collective pour ce secteur d’activité, la rémunération est donc assez aléatoire, pouvant aller du simple au double, voire au triple, selon le prestige du scénariste ou l’importance de la production. Les Scénaristes de cinéma associés (SCA) ont d’ailleurs récemment appelé à une juste rémunération, avec une répartition équitable au cours de l’avancement du projet, pour conjurer la précarité des scénaristes. Cela permettrait tout simplement d’appliquer la réglementation et d’indexer le pourcentage de rémunération au budget du film, qui est loin d’être toujours de mise.
Les conseils d’une professionnelle
Julie Peyr

Julie Peyr (DR)
« Le plus important, c’est de ne pas rester isolé, de multiplier les rencontres, de grandir et de se former avec des jeunes gens et des jeunes femmes qui aiment le cinéma et veulent aussi en faire leur métier. Je crois qu’au-delà de la formation que les écoles de cinéma donnent à leurs élèves, le plus important est aussi de mettre en relation des individus d’une même génération, des apprentis réalisateurs, chef op, producteurs, monteurs, etc.
Il ne faut pas rester seul. Un romancier peut écrire seul dans son coin. Pour un scénariste, ce n’est pas possible. Il arrive toujours un moment où on doit être en mesure de montrer ce que l’on est capable de faire, ce que l’on vaut comme partenaire d’écriture. C’est pourquoi je conseille souvent aux jeunes auteurs d’écrire au moins un scénario de long-métrage. C’est la meilleure carte de visite, à mon sens, pour convaincre une production ou un réalisateur/ réalisatrice, mais aussi un agent artistique, de ses propres capacités : montrer que l’on est capable de structurer une trame narrative, de développer des personnages, d’écrire des dialogues, montrer que malgré un CV un peu court (parce qu’il n’y a pas eu encore de film tourné), on a déjà un savoir-faire et un univers qui ne demande qu’à grandir et être exploré. »
Témoignages
Guillaume Laurant

Guillaume Laurant (DR)
« Enfant, j’étais très rêveur et je vivais dans les livres. Tous les romans ingurgités m’embarquaient ensuite dans des rêveries interminables (dont j’étais le héros bien sûr), mais me rendaient inattentif et même assez réfractaire au système scolaire (on a voulu dès le CM2 me mettre en classes de transition, me jugeant inadapté au cursus normal). Dès mes dix-huit ans, j’ai exercé toutes sortes de métiers sans qualifications (manutentionnaire, manœuvre, saisonnier, serveur, coursier, etc.) pendant une dizaine d’années, d’abord en province, puis à Paris où je me suis inscrit dans un cours de théâtre amateur. Ça m’a énormément plu et je me suis mis à écrire des sketchs et des pièces “sur mesure” pour mes camarades. Ce sont eux qui m’ont poussé à essayer d’écrire pour le cinéma ou la télé et m’ont offert Comment écrire un scénario de Michel Chion. Dans ma chambre de bonne sous-louée, je me suis lancé tout seul dans l’écriture d’un moyen métrage un peu loufoque, que j’ai envoyé par la poste à Jean-Pierre Jeunet en cherchant son adresse dans l’annuaire au bureau de poste. J.-P. Jeunet m’a appelé et m’a proposé d’écrire des dialogues dans La Cité des enfants perdus. Ensuite, il m’a présenté Diane Bertrand avec qui j’ai co-écrit son premier film, Un samedi sur la Terre. Mon deuxième scénario porté à l’écran a été Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Il y a bien sûr un avant et un après. Personne ne me connaissait et, du jour au lendemain, tout le monde voulait travailler avec moi. Bref, enfant, je passais mon temps à inventer des histoires et ça me déphasait des autres et de la réalité ; aujourd’hui je continue à le faire et c’est devenu mon métier. »
Anaïs Deban

Anaïs Deban (DR)
« J’ai fait des études de journalisme et voulais faire des documentaires. Mais ce mode d’expression ne m’allait pas complètement. Je projetais trop de choses sur les protagonistes. Je m’imaginais des sujets qui n’existaient pas. J’ai voulu aller vers quelque chose de plus artistique, alors j’ai pris des cours de théâtre. Là, j’ai rencontré la personne qui est devenue mon mari et qui travaillait avec Alex Lutz. Alex m’a très vite proposé de co-écrire avec eux le film Guy, parce que j’avais les codes du documentaire et qu’il voulait que ça en ait la forme. Grâce à ce film, j’ai trouvé un agent et j’ai commencé à constituer ma famille, ma bande du métier. Ce que les autres font plus tôt grâce à des écoles de cinéma… Maintenant je développe mes propres projets (plusieurs à la fois !) et je co-écris ceux des autres. »
Pour aller plus loin…
– Cécile Vargaftig (dir.), Scénaristes de cinéma : un autoportrait, Scénaristes de cinéma associés, Éditions Anne Carrière, 2019
– Yves Lavandier, Construire un récit, Les Impressions Nouvelles, 2019, 384 p.
– Scénaristes de cinéma associés : site internet.
– Guilde française des scénaristes : site internet.
Lire aussi :
– Travailler avec la lumière, le métier fabuleux du directeur de la photo
– Monteur son, la partition derrière l’image
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