Ce 2 mai 2022, l’acteur et chanteur Serge Reggiani aurait eu 100 ans. Hommage avec un petit TOP 5, évidemment subjectif, de ses meilleurs films.

Issu d’un milieu modeste, le jeune Reggiani s’apprête à suivre les traces de son père et devenir coiffeur. Mais c’est en faisant tomber du shampoing dans l’œil de sa cliente que cette dernière lui conseille vivement de changer de métier et d’aller plutôt voir en face. En face ? C’est le Conservatoire des arts cinématographiques de Paris. Qu’à cela ne tienne, Serge Reggiani traverse la rue pour trouver du boulot.

Repéré sur scène par Jean Cocteau et Jean Marais, il fait ses débuts au théâtre avant de se tourner rapidement vers le cinéma, dès le début des années 1940, puis vers la chanson – avec succès – vingt ans plus tard.

Retour sur la filmographie de l’artiste franco-italien, à travers un TOP 5, subjectif bien sûr, de ses meilleurs films.

5/ Vincent, François, Paul et les autres… de Claude Sautet (1974)

C’est un des films majeurs du réalisateur français. Si l’œuvre ne frappe pas par l’originalité du scénario (comme souvent chez Sautet), il laisse en nous une impression forte, par la finesse de ses personnages pour lesquels on se prend d’une tendresse mélancolique (comme souvent chez Sautet). Parce que le talent de Sautet, c’est de parvenir à nous montrer, tout en regards et en non-dits, des personnages touchants au plus haut point, à travers leurs petites lâchetés, leurs échecs professionnels et sentimentaux, leurs doutes, leurs moments de joie.

Le temps du film, on entre en immersion au cœur de cette petite bande d’amis, impeccablement portés par le jeu de Reggiani, Montand, Piccoli et G. Depardieu. On se dit qu’on leur ressemble, on les plaint, on les aime et on en ressort apaisés.

Synopsis : Amis depuis la plus tendre enfance, Vincent, François, Paul et Armand, tous la cinquantaine, se retrouvent chaque dimanche à la campagne. Au quotidien, chacun connaît quelques déboires sentimentaux. Mais lorsque Vincent est victime d’une crise cardiaque, ses amis prennent conscience de l’importance de leurs problèmes.

4/ Casque d’or de Jean Becker (1952)

Probablement le premier vrai grand film de Serge Reggiani ! Au-delà de la passion amoureuse poignante entre Serge Reggiani et Simone Signoret, le film accorde une très grande importance à l’atmosphère, au contexte et aux jeux de lumière : les guinguettes de la Belle Époque, des lieux de danse et de plaisirs, la prostitution et les gangs de voyous.

S’il obtient un très bon accueil aux États-Unis, le film fut un échec relativement cuisant à sa sortie en France, les critiques jugeant la psychologie des personnages survolée au détriment de la forme cinématographique. Pourtant, le film sera une source d’inspiration très forte pour les réalisateurs futurs, notamment ceux de la Nouvelle Vague. Jean Becker était de toute évidence en avance sur son temps, lui qui a toujours affirmé que Casque d’or était son meilleur film.

Synopsis : Dans les milieux interlopes de Paris, Marie, surnommée « Casque d’or », fait la connaissance de Manda et provoque une rixe entre ce dernier et son amant.

3/ L’Enfer de Henri-Georges Clouzot (1964)

Compliqué pour un top des meilleurs films d’y placer un film… qui n’existe pas. Plus compliqué encore d’en faire l’impasse ! Car si le tournage du film vire au cauchemar et qu’il se voit définitivement interrompu à la suite d’un infarctus du réalisateur, nous savons à quoi le film aurait pu ressembler. Nous avons le scénario, quelques rushs et nous connaissons le génie d’un des meilleurs réalisateurs français de l’époque.

Clouzot avait l’ambition de partir d’une histoire simple (un homme, jaloux de sa femme, sombre dans la folie) et d’en faire une œuvre cinématographique totale, allant jusqu’à révolutionner les fondements du 7e art. S’il s’est brûlé les ailes, sombrant dans une paranoïa semblable à celle de son personnage, il y a fort à parier que ce film aurait bouleversé l’histoire du cinéma. Et pour en mesurer l’ampleur, nous pouvons toujours visionner le très bon documentaire L’enfer d’Henri-Georges Clouzot de Serge Bromberg, sorti en 2009, reprenant de nombreux rushs originaux.

Synopsis : Un couple, Marcel et Odette, prend la gérance d’un hôtel en Auvergne, dans le Cantal. Plus tard, Marcel, dévoré par la jalousie, attache Odette à un lit. Il se remémore les années passées, tout en soumettant sa femme à la torture, ses fantasmes se mêlant à la réalité.

2/ La Ronde de Max Ophuls (1950)

Voilà un autre exemple de film décrié à sa sortie et classé au rang de chef-d’œuvre aujourd’hui. Condamné notamment par les esprits puritains, Max Ophuls, lui aussi en avance sur son temps, dit : « La foule n’a aucune patience esthétique. »

Nous ne voudrions pas trop vous le divulgâcher si vous ne l’avez pas encore vu. Inspirée par le texte d’Arthur Schnitzler, La Ronde possède toutes les qualités qui font les grands films. Avec ce narrateur, figure d’auteur, qui nous invite à voir l’envers du décor, ses dialogues finement ciselés, son esthétique enchanteresse, Max Ophuls signe un film d’une légèreté apparente qui tend, au fur et à mesure des histoires entremêlées, à aboutir vers une véritable fable morale pleine d’intelligence, de pessimisme et de vérité.

Synopsis : Un narrateur, le « meneur de jeu », présente une série d’histoires tournant autour de rencontres amoureuses ou « galantes ». La « ronde » passe de la prostituée au soldat, du soldat à la femme de chambre, de la femme de chambre au fils de famille, et ainsi de suite jusqu’à ce que le cercle soit bouclé…

1/ L’armée des ombres de Jean-Pierre Melville (1969)

Alors que Serge Reggiani connaît un petit creux dans sa carrière de cinéma, le réalisateur Jean-Pierre Melville, alors en pleine ascension, lui confie un rôle dans Le Doulos en 1961 et, huit ans plus tard, dans ce qui figure parmi ses plus grands films, pour ne pas dire le meilleur, L’armée des ombres.

Avec cette esthétique minutieuse qu’il peaufine de film en film, ses jeux de cadrages et de lumières tout en clair-obscur, Melville nous dresse le portrait de résistants, d’êtres humains simples et héroïques, confrontés aux questions de morale, de vertu et de dignité. Et si Reggiani campe un rôle secondaire de simple barbier, Melville le dote lui aussi d’une dimension héroïque, par ses petits actes résistants du quotidien.

Un chef d’œuvre cinématographique incontournable, criant d’intelligence, de sobriété et de sincérité.

Synopsis : France 1942. Gerbier, ingénieur des Ponts et Chaussées est également l’un des chefs de la Résistance. Dénoncé et capturé, il est incarcéré dans un camp de prisonniers. Alors qu’il prépare son évasion, il est récupéré par la Gestapo.

Maïlys GELIN

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