Les célèbres studios de Nice s’allient à l’ENS Louis-Lumière pour offrir une formation de grande qualité et poursuivre ainsi leur développement. L’enjeu ? Devenir l’un des plus grands studios européens de cinéma.

Nichés derrière la Promenade des Anglais, au cœur de la belle ville ensoleillée de Nice, les Studios de la Victorine ont accueilli des grands noms du cinéma français durant près d’un siècle. Marcel Carné y a tourné Les Enfants du paradis (1945), Julien Duvivier, son film de propagande anti-nazi Untel père et fils (1940) et Roger Vadim, le film qui propulsa la carrière de Brigitte Bardot, Et Dieu… créa la femme (1956).

Aujourd’hui, la politique locale, à travers Christian Estrosi, vise à mettre en valeur ce patrimoine du cinéma pour en faire un pôle attractif et un terreau de création entre tournages et formation professionnelle. Repris en main par la ville de Nice en 2017, les studios de la Victorine ont depuis retrouvé une nouvelle jeunesse et se préparent à un bel avenir.

Du renouveau à la pérennité du cinéma français

Afin d’encourager les productions à venir tourner aux studios de la Victorine, Christian Estrosi fait appel en 2018 à Éric Garandeau, haut fonctionnaire ancien président du CNC, pour le renouvellement de ces studios emblématiques. Sa stratégie pour les rendre de nouveau attractifs s’articule autour de trois pôles : la formation, l’accueil des entreprises œuvrant dans le secteur de l’audiovisuel, ainsi que les tournages et les productions.

Maryam Rousta-Giroud, directrice du cinéma et des studios de la Victorine, communique sur ce projet dès 2018, « pour montrer que les studios sont toujours actifs et que la mairie de Nice veille à préserver l’activité cinématographique et audiovisuelle ». Depuis cette reprise en main par la municipalité, plus d’un million et demi d’euros ont été ainsi investis pour sa rénovation. « Nous avons six mille mètres carrés de plateau à des tarifs extrêmement attractifs, dont plus de deux mille insonorisés, détaille-t-elle, souhaitant montrer que derrière la bâtisse, ce lieu de création rafraîchi et moderne, tout est opérationnel. Le calendrier est déjà bien rempli, puisque plusieurs productions sont prévues dans les cinq prochains mois. »

Côté pratique, « grâce à notre capacité de stockage, les productions s’installent là et tournent sur toute la Côte-d’Azur ». Maryam Rousta-Giroud évoque ainsi François Truffaut, connu pour ne pas aimer les studios mais qui disait pourtant de la Victorine, alors qu’il y tournait La Nuit américaine : « Ce sont les studios qui vont vivre le plus longtemps. » « Comme tous les studios, ils ont eu des hauts et des bas, surenchérit la directrice des lieux. Mais aujourd’hui tout est prêt pour accueillir les tournages. »

Les Studios briguent la notoriété en formant eux-mêmes leurs professionnels

Des formations immersives et continues en audiovisuel ont été mises en place au sein des locaux de la Victorine. À partir d’octobre 2021, l’ENS Louis-Lumière coopèrera avec les studios niçois pour proposer une formation à soixante-cinq stagiaires, jeunes diplômés, professionnels ou désireux d’acquérir de nouvelles compétences.

Les stages répondent aux besoins des pôles principaux de la réalisation et ne concernent donc pas la post-production. Ainsi pourra-t-on apprendre – ou parfaire ses connaissances – la direction d’acteurs, l’écriture de scénario, la prise de vue et le cadre en fiction, en réalisation ou encore en direction de la photographie. « La formation s’inscrit dans un projet de politique globale, d’où l’intérêt de ce renouveau de la Victorine. Il faut former des techniciens pour répondre aux demandes des productions, et accueillir de nouvelles productions pour fournir du travail aux techniciens : cela va dans les deux sens. »

Mais est-il nécessaire et judicieux de former davantage de techniciens, au regard du nombre d’entre eux, non négligeable, même sortis de Louis-Lumière, qui ne trouvent pas de travail ? « Cela répond forcément à un besoin, estime la directrice de la Victorine. La région Sud est la deuxième de France en matière de tournage. Nous avons pour objectif d’augmenter le nombre de tournages aux studios, ce qui suppose des besoins en techniciens, déjà présents localement. Mais nous voulons permettre à ce vivier d’améliorer ses compétences, d’acquérir de nouvelles connaissances tout en formant de nouveaux techniciens. »

Cette formation conjointe de l’ENS Louis-Lumière, l’une des meilleures écoles au monde, et des studios de la Victorine permet également de pérenniser la qualité de la formation des techniciens du cinéma français. En parallèle, une formation immersive sera proposée en partenariat avec l’Université Côte-d’Azur à compter de septembre 2022, pour une vingtaine d’étudiants. Le but est de proposer une approche expérimentale et innovante au service des formats audiovisuels de demain.

Les plates-formes, la France et le Septième Art

Derrière cette politique ambitieuse autour des plateaux de la Côte-d’Azur, un autre espoir se cache. Il émerge depuis quelques mois dans la famille du cinéma, et plus exactement depuis l’annonce de la directive européenne SMA, celle qui pourrait donner un nouveau souffle aux créations nationales. « On attend tous de connaître le devenir de la transposition de la directive SMA, c’est-à-dire de la concrétisation des 20 à 25 % du chiffre d’affaires des plates-formes investis dans la production française, confie Maryam Rousta-Giroud. On escompte, à partir de là, qu’il y ait plus de productions en France. Et on a tout intérêt en France à accueillir davantage de productions, afin de rester une terre de cinéma. Le cinéma est très important pour véhiculer l’image de la France et faire rayonner sa culture, en plus de réaliser des œuvres cinématographiques de qualité. D’ailleurs, Netflix a de plus en plus à cœur d’intégrer l’identité de chaque pays dans ses productions et de préserver ainsi la spécificité de chaque cinéma. Si les plates-formes peuvent aussi être un moyen d’expression pour certains scénaristes et réalisateurs, il faut qu’on trouve le moyen de se servir de chaque biais de diffusion comme une opportunité. »

Tout en ayant à cœur de s’adapter intelligemment à la réalité du paysage audiovisuel, Maryam Rousta-Giroud souhaite éviter la « concurrence des plates-formes avec les salles de cinéma, qui doivent rester ouvertes et remplies ». Avant la crise sanitaire, d’ailleurs, les chiffres de fréquentation des salles étaient encore très importants, notamment entre les deux confinements, à l’été 2020.

Louise ALMÉRAS

 



Crédits photographiques : Studios de la Victorine