Acteur, scénariste et réalisateur iconique hollywoodien, Allan Stewart Konigsberg, plus connu sous le nom de Woody Allen vient d’annoncer sa retraite cinématographique pour se consacrer désormais à l’écriture de livres.
C’est dans un long entretien accordé au quotidien espagnol La Vanguardia et publié le 17 septembre dernier que le réalisateur new-yorkais a exprimé son désir d’arrêter la réalisation après le prochain tournage (à Paris) de son cinquantième film. Objectif : se consacrer pleinement à l’écriture, comme l’atteste la parution récente de Gravity Zero, un recueil de nouvelles humoristiques qui parlent beaucoup de… cinéma.
« Le cinéma a changé, les histoires humaines ne sont plus aussi intéressantes, explique Woody Allen. Aux États-Unis, de nombreux cinémas ont fermé. Mon prochain film sera le numéro 50, je pense que c’est le bon moment pour arrêter. »
Avec presque un film par an depuis les années soixante-dix, le réalisateur new-yorkais s’est démarqué par son style à la fois comique et mélancolique, autour de personnages souvent angoissés, en proie à des questionnements existentiels sur la vie, la mort, la religion, l’amour et la sexualité.
Avec quatre Oscar et seize nominations, Woody Allen s’est largement imposé comme l’une des figures majeures du 7e art et fut une source d’inspiration pour toute une génération de cinéastes après lui.
Retour sur la vie et la carrière du cinéaste en sept petites anecdotes cinématographiques.
1/ Une machine à écrire fidèle au poste !
Depuis l’âge de ses seize ans, Woody Allen écrit tous ses scénarios sur la même machine à écrire, une Olivetti, achetée sur un marché aux puces de New-York en 1951 ! Le cinéaste n’a jamais cédé à la tentation de la remplacer par un ordinateur.
Depuis, il suit scrupuleusement les mêmes rituels d’écriture ; il griffonne ses idées de récits ou de dialogues sur tout ce qu’il peut trouver sous la main : serviettes en papier, tickets d’addition…
Rentré chez lui (il rédige toujours ses textes à New-York), il retranscrit tout sur sa précieuse machine à écrire, en buvant un thé vert.
2/ Manhattan, un succès inespéré
En 1979, Woody Allen réalise Manhattan, tourné entièrement en décors réels, en noir et blanc. C’est le seul film du réalisateur au format CinémaScope. Il y dirige pour la cinquième fois sa muse et compagne de l’époque, Diane Keaton.
Mais Woody Allen est terriblement déçu par le résultat. La légende dit qu’il est tellement mécontent de son travail qu’il propose à la société de production de réaliser un autre film gratuitement, si elle accepte de mettre ce film-ci à la poubelle.
Manhattan, récompensé par le César du meilleur film étranger ainsi que du BAFTA du meilleur film, est aujourd’hui encore le plus gros succès du réalisateur au box-office en France.
3/ Annie Hall, le plus autobiographique
Deux ans avant Manhattan, Woody Allen réalise un autre grand succès, Annie Hall. Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur, il s’agit selon le réalisateur de son film le plus autobiographique : il y raconte ses relations tumultueuses avec sa partenaire à la vie comme à l’écran, Diane Keaton.
Et c’est peu de le dire lorsqu’on sait que le vrai nom de Diane Keaton est Diane Hall, et que tout le monde la surnommait « Annie ».
Autre petite anecdote : c’est dans Annie Hall que l’actrice Sigourney Weaver fait sa toute première apparition au cinéma, deux ans avant le premier Alien.
4/ Match Point, une réécriture in extremis
À l’origine, le rôle principal de Match Point est écrit pour Kate Winslet. Premier film de Woody Allen tourné à Londres, il désire en effet un casting uniquement anglais.
Cependant, quelques jours avant le tournage, Kate Winslet se rétracte, et Woody Allen contacte d’urgence Scarlett Johansson pour reprendre le rôle. Il doit réécrire in extremis le scénario, changeant notamment la nationalité du personnage qui d’Anglaise devient soudain Américaine. Mais c’est sans gros problème pour le réalisateur qui affirme par la suite en interview que cela ne lui a pris… qu’une petite heure !
Match Point est le film dont le réalisateur est le plus fier ; cette œuvre signe le début d’une longue collaboration avec l’actrice.
5/ Midnight in Paris, un petit rôle pour la première dame de France !
Pour la deuxième fois, après Tout le monde dit I love you, Woody Allen revient tourner dans la capitale française pour son film Midnight in Paris.
C’est lors d’un déjeuner à l’Élysée organisé par Nicolas Sarkozy que le cinéaste propose le rôle d’un guide de musée à Carla Bruni. L’ancienne chanteuse, devenue première dame de France, est ravie de pouvoir s’essayer à cette nouvelle expérience.
Woody Allen dit : « Elle s’est révélée très bonne actrice et je crois que si je lui avais confié un rôle plus conséquent, elle s’en serait tout aussi bien tirée, mais je ne pense pas que cela aurait été pratique pour elle de bloquer sept semaines dans son emploi du temps pour tourner un film. »
Pour ce petit rôle, Carla Bruni a touché le cachet d’une simple silhouette, soit 150 € brut la journée !
6/ Un excellent directeur d’acteurs ?
Woody Allen est connu et reconnu pour être un excellent directeur d’acteurs. Et pourtant, sur les plateaux de tournage, le réalisateur ne parle presque pas et se repose sur le talent de ses comédiens. Il explique « qu’il engage des gens doués » pour « les laisser faire ce qu’ils savent faire ».
Il déteste parler avec ses acteurs de leur personnage et de leur psychologie. Woody Allen ne fait aucune répétition, tourne ses séquences sur la longueur et ne fait que très peu de prises.
Une façon de travailler peu commune et parfois déroutante pour les comédiens. Le réalisateur s’amuse lui-même de la situation : « À chaque fois qu’un de mes films sort, les gens sont émerveillés par les performances des acteurs. Les acteurs eux-mêmes sont émerveillés par leur propre performance, et ils me traitent comme un héros, alors qu’en fait, ce sont eux qui ont fait tout le travail ! »
7/ Un éternel angoissé ?
Malgré sa longue et prolifique filmographie, Woody Allen se retrouve chaque fois dans le même état sur les plateaux : angoissé et insatisfait du résultat. Comme l’explique Cate Blanchett, à la suite du tournage de Blue Jasmine, en 2013 : « Quinze jours après le début du tournage, il est venu me voir et m’expliquer qu’il n’aimait rien dans son film : ni les décors, ni les costumes, ni les repérages. »
Pourtant réputé pour son humour décapant et sa répartie en toute circonstance, Woody Allen est un profond pessimiste, avouant même qu’il aurait préféré faire de la tragédie. Il dit toujours être déçu par le résultat de ses films, qu’il ne revoit jamais par la suite. Il continue de tourner pour – peut-être – arriver un jour « à ce que l’un d’entre eux sorte du lot ».
Cette insatisfaction existe déjà dès son premier film, Lily La tigresse, en 1966, dont il dit : « Mon premier film était si mauvais qu’aux États-Unis, dans sept États, on l’utilise pour remplacer la peine de mort. »
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